Ebra, premier groupe de presse locale labellisé par la « Journalism Trust Initiative »

Après plusieurs mois de procédures, le groupe Ebra a décroché la certification Journalism Trust Initiative, développée par Reporters sans frontières. Un label synonyme d'information fiable, mais aussi de retombées importantes pour le groupe. Et cette JTI pourrait intéresser nombre de médias locaux...

Ebra, premier groupe de presse locale labellisé par la « Journalism Trust Initiative »

Après plusieurs mois de procédures, le groupe Ebra a décroché la certification Journalism Trust Initiative, développée par Reporters sans frontières. Un label synonyme d'information fiable, mais aussi de retombées importantes pour le groupe. Et cette JTI pourrait intéresser nombre de médias locaux...
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Joli coup pour Ebra : le groupe de quotidiens de l’est de la France, propriété du Crédit Mutuel, s’est vu décerner le 5 décembre la certification JTI (Journalism Trust Initiative), sur les bases d’une norme internationale initiée par Reporters sans frontières. Il s’agit là du premier groupe de presse français à recevoir cette homologation, qui engendre des retombées bien plus que symboliques. Explications avec Chloé Fiodière, Global Manager du Journalism Trust Initiative à RSF.

Qu’est-ce exactement que le Journalism Trust Initiative ?

L’initiative a été lancée par Reporters sans Frontières en 2018 avec une trentaine d’autres organisations, dans l’idée de pouvoir différencier les contenus journalistiques des autres types de contenus en ligne, et de redonner aux contenus journalistiques des bénéfices concrets qu’ils ont pu perdre avec le temps (perte de visibilité, de revenus, de confiance…). Il fallait une norme internationale, composée de près de 130 critères, qui a été lancée réellement en décembre 2019. Un outil a été créé en avril 2021, la jti:app, et qui est une conversion de la norme en questionnaire en ligne, pour que les médias s’auto-évaluent.

Il y a donc une auto-évaluation par les médias, mais c’est RSF qui décide au final de l’homologation ?

En fait, il y a trois étapes : l’auto-évaluation, c’est à dire la réponse aux 130 questions sur la jti:app. Ensuite, la possibilité de publier un rapport de transparence, résultat de ces questions. Enfin, la vérification par un certificateur indépendant qui vient s’assurer que les déclarations sont le reflet de la réalité dans la rédaction.

Le groupe Ebra a reçu la certification, mais est-ce le premier média français ?

France télévisions a été labellisé en mars 2022, suivi par France médias monde. Le groupe Ebra est le premier groupe de presse et il a devancé de quelques jours TF1, certifié ce jeudi 7 décembre.

Ce ne sont en fait qu’une poignée de médias en France…

Une quarantaine de médias sont impliqués ici actuellement dans l’autoévaluation. Pour le groupe Ebra, la certification a nécessité quelques mois, un gros trimestre, le temps de réaliser l‘autoévaluation, de vérifier toutes les informations et de faire l’audit.

« Grâce à cette homologation, les médias reconnus peuvent travailler sur l’indexation algoritmique avce les plateformes..» 

Chloé Fiodière, global manager Journalism Trust Initiative

Concrètement, quelles sont les retombées pour le groupe Ebra ?

Il y a des bénéfices concrets, et c’est justement sur ce point que nous travaillons avec nos partenaires. Le premier bénéfice, c’est de travailler sur l’indexation algorithmique avec les plateformes. Depuis septembre, nous sommes en relation avec Microsoft pour que sur le moteur de recherche et sur d’autres produits phares de cette entreprise, les médias certifiés et ceux qui ont publié leur rapport puissent remonter. L’idée est que Microsoft mette en avant les sources d’informations fiables. On travaille également sur une autre plateforme, Newsback, qui fait la même chose, soit identifier et mettre en avant les médias impliqués dans le JTI. On voudrait que d’autres plateformes intègrent ce critère JTI… Le second bénéfice est financier. On travaille avec des fonds philanthropiques. On travaille ainsi avec Thomson foundation dans les Balkans, et d’autres fondations se sont positionnées pour utiliser le questionnaire de la JTI comme critère de soutien aux médias. Ce qui peut faciliter l’accès à des financements, mais plutôt pour les médias des pays d’Europe de l’est ou centrale, l’Amérique du sud, l’Afrique, l’Asie…

Vous parlez d’attirer d’autres plateformes. On pense forcément à Google. Mais arriver à faire travailler ensemble Microsoft et Google, est-ce réaliste ?

L’idée n’est pas qu’ils travaillent ensemble, mais qu’ils se saisissent de cette norme qui est devenue un standard de l’écosystème. Et ça peut se faire par la régulation : le JTI est citée dans deux pièces de législations européennes, l’European médium freedom act et le code de pratique du Digital services act. C’est grâce à cela notamment que la conversation avec Microsoft a avancé. C’est donc un bon outil pour mettre à disposition la norme aux plateformes.

Tentez-vous aussi de convaincre Meta, même si l’entreprise semble désormais plus se tourner vers le divertissement ?

Oui, bien sûr. La JTI est un standard de l’écosystème à l’international. Donc, l’idée est que plus de médias soient impliqués et plus de plateformes soient liées, plus ça fait sens.

Aujourd’hui, combien de médias sont en autoévaluation ?

Environ 1000 médias dans 85 pays. L’idée est d’accélerer encore. Mais on assiste déjà à un engouement de la part des rédactions, puisqu’on est passé de 300 l’an dernier à un millier aujourd’hui.

D’autres groupes de presse locale sont-ils déjà dans ce processus en France ?

Pas encore, mais d’autres médias locaux, en presse écrite, télévision ou radio, sont intéressés. Il faut attendre leur évaluation pour en parler…

« Cette certification s’applique autant aux grands groupes qu’aux petits médias indépendants.» 

Chloé Fiodière, global manager Journalism Trust Initiative

 

Comptez-vous communiquer auprès du grand public pour faire connaître la JTI ?

C’est un chantier qui me tient à cœur. Mais il faut avant tout que les médias et les plateformes se saisissent de la norme avant que le grand public ne s’en saisisse comme d’une boussole dans l’écosystème de l’information. Parmi les critères de la JTI, il y a une partie sur la transparence : à qui appartient le média, quelles sont les sources de revenus … 

Au delà des groupes, y-a-t’il de petits médias indépendants qui pourraient se certifier ?

Tout à fait, c’est la vertu de cette certification : elle s’applique autant aux grands groupes qu’aux petits médias indépendants. On a ainsi eu il y a quelque mois un média d’investigation indépendant  en Bosnie qui a réussi à se certifier. Il a vraiment toutes les tailles de médias, et cela peut aussi servir pour des médias qui veulent se lancer et qui trouvent là une série de critères journalistiques.

Mais cela a-t-il un coût pour les médias ?

Non, le questionnaire et la publication des résultats sont gratuits. La seule étape payant, mais sur la base du volontariat comme les deux autres d’ailleurs, c’est la certification car il faut rémunérer le certificateur indépendant. Toutefois, il ya des bourses débloquées par RSF pour couvrir ces frais. Ce qui rend cela quasiment gratuit, notamment pour les petits médias…

Propos recueillis par Laurent Brunel

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