Dans la rue Hergé d’Angoulême, les flâneurs passent devant les boulangeries, les salons de coiffure, les vitrines des boutiques de prêt-à-porter qui font le dynamisme du centre ville. Au milieu de ces enseignes, les passants aperçoivent… un studio de télévision. La nouvelle scène des journalistes du quotidien La Charente Libre est visible depuis la rue. « C’est un moyen d’apporter de la vie dans nos émissions« , juge Armel Le Ny, rédacteur en chef du titre. La rédaction a agrandi ses locaux pour réaliser dans les meilleures conditions son émission de web télé.
« Conserver ce côté proximité »
Les passants apparaissent en effet derrière la vitrine durant les tournages. « Les techniciens ont fait la grimace au début. Je préfère conserver ce côté proximité avec le public, même si l’image est de moins bonne qualité à cause des reflets ou du contre jour”, assume le responsable.
Le journal a démarré son aventure de la web télé en octobre 2022. Le groupe Sud Ouest a invité ses journalistes à sauter le pas de la vidéo. La République des Pyrénées, publié à Pau, a été le premier journal du groupe à créer sa web TV. « On est allé les voir et nous nous sommes inspirés de ce qu’ils faisaient« , confie le rédacteur en chef. Et à Angoulème, c’est Yoann Chaduteau, le web master, qui supervise le projet.
Edouard Philippe, Miss Poitou-Charente, stars de Tik Tok…
Les membres de la rédaction prennent place dans le studio pour proposer une émission de 10 à 30 minutes. À chaque jour, sa thématique(1) : économie, sport, loisirs ou entretien avec un invité. Les nouveaux locaux ont déjà accueilli des personnalités politiques comme l’ancien Premier ministre Edouard Philippe ou encore des stars de Tik Tok, en passant par Miss Poitou-Charente.
Le journal s’autorise même de sortir des codes. « Le mercredi, un journaliste extraverti tourne l’information en dérision dans l’émission l’électron Libre, depuis déjà cinq ans« , souligne Armel Le Ny, qui tient à préserver ce rendez-vous décalé. Un moyen pour le journal d’attirer de nouveaux publics. « Nous n’avons pas la prétention d’être une télévision, mais le but sera de proposer des émissions toujours plus intéressantes et de qualité. » La chaîne YouTube où sont publiées les vidéos compte 12 000 abonnés. Le nombre de vu a pourtant encore du mal à décoller. Une émission est vue entre 300 et 800 fois pour la moyenne. Même si certaines vidéos enregistrent plusieurs milliers de visionnages.
La vidéo pour attirer un nouveau public
La Charente Libre n’en est pas à sa première expérience dans la télé. La rédaction publie du contenu vidéo depuis la fin des années 2000. « Des reportages qui ressemblaient à ce que l’on retrouve sur France 3, décrit Armel Le Ny. Les vidéos sur notre site n’ont pas attiré les internautes, c’était peut-être encore trop tôt.” Ils ne s’arrêtent pas à cet échec et poursuivent leurs ambitions.
« En 2015, avec deux caméras qui traînaient et une table de mixage, on s’est mis à retransmettre les rencontres de Soyaux-Angoulême en Fédéral 1« , se rappelle-t-il. Le club de rugby, connaissant un intérêt croissant dans la région, permet au journal de trouver un second souffle avec les caméras.
« C’était génial… jusqu’à ce qu’on perde les droits de diffusion des matchs quand le club a été promu en ProD2.»
Armel le Ny, rédacteur en chef de la Charente Libre
Cette expérience riche avec la vidéo est devenue une marque de fabrique du journal. “On passe notre temps à inventer et tester de nouvelles choses. C’est l’avantage de travailler avec le numérique”, formule le journaliste charentais.
Dans les conditions du direct
La vidéo représente certes une charge de travail supplémentaire. “Personne n’est forcé à faire une émission. Sur quarante journalistes, plus de la moitié a déjà participé”, assure Armel Le Ny.
« Lors de la première émission, les journalistes avaient la boule au ventre devant la caméra. C’est une prise de risque.»
Armel le Ny, rédacteur en chef de la Charente Libre
Les journalistes ont fini par s’habituer à être devant les caméras, des coachs apportent leurs conseils pour travailler la prestance. L’ensemble des vidéos sont réalisées dans les conditions du direct avant d’être publiées. Cela permet de réduire la charge de travail en ne réalisant que très peu de montage.
Franchir un échelon
Pas question de créer une équipe dédiée à la web TV. Tout le monde s’arrange pour proposer les émissions, en complément du travail pour le journal papier et les articles internet. Un journaliste spécialisé dans la vidéo ainsi qu’une personne chargée de piloter la web TV et les réseaux sociaux vont être embauchés avant avril 2023.
« Les gens mettent un visage derrière les signatures qu’ils voient dans le journal. Cela renforce notre image dans la vie locale.»
Armel le Ny, rédacteur en chef de la Charente Libre
Le concept de web télé, lancé avec beaucoup d’enthousiasme, doit maintenant franchir un échelon. “Ces emplois créés permettent d’être davantage organisés.”
Le projet est surtout le moyen de répondre à la question ultime pour les travailleurs de la presse locale : “Amener des nouvelles audiences”.
La rotative d’Angoulême ayant fermé récemment a nuit à l’image du journal. « Les lecteurs, mais aussi les salariés et les collectivités, pensent que le journal se meurt. On prouve avec ces nouveaux projets que ce n’est pas le cas, la presse apprend à se réinventer.”
Benoît Lesaulnier
(1) Le programme de la semaine est constitué d’une émission par jour. Lundi : CL’invité – Mardi : CL’éco – Mercredi : L’electron Libre – Jeudi : CLe sport – Vendredi : CLe week-end – Samedi : CLa question