Stéphane Janus, vous avez été élu lors du congrès président du SNPAR. Qu’est-ce que ce poste représente pour vous ?
Ma candidature fait suite à des échanges avec Jean. Je ne suis pas issu du monde des médias ni de l’agriculture mais la presse agricole est une famille professionnelle que j’ai toujours mariée. Je suis Alsacien pure souche et agronome de formation. Ensuite j’étais plus dans la communication que dans le journalisme mais j’aimais mettre du cœur dans mon travail. J’ai découvert que c’était ce que faisait le journalisme, il porte de vrais messages. Nos titres sont proches de l’agriculture et de la ruralité, c’est notre rôle de les médiatiser. Nous sommes un produit du premier kilomètre, comme celui qui sort des champs. Pourtant nous ne sommes pas assez reconnus. Je voulais m’impliquer encore plus. Tout le monde a un avis sur l’agriculture mais est-il toujours éclairé ? J’ai bien l’impression que personne ne la connait réellement. Notre agriculture est riche, diversifiée et respecte l’environnement avec un grand E. C’est à la presse agricole de venir jouer son rôle et diffuser la vérité pour que les gens soient dans le vrai.
Avez-vous une priorité particulière pour ce premier mandat de deux ans ?
Nos médias ont des problèmes d’accessibilité en France. L’information fonctionne en deux temps, sa fabrication, avec l’identification de la bonne info au bon endroit, et sa diffusion. En France le routage est là pour garantir l’accès à l’information en posant un même prix pour tout le monde. Mais ces derniers temps, avec les augmentations, tout se complexifie. Les gens vont au moins cher, les réseaux sociaux. Ils effleurent l’information. Les journalistes écrivent pour être lus, pas pour un support, il doit atteindre sa cible, qu’elle soit connectée ou non. Nous devons retrouver nos lettres de noblesse sur ce plan. Le deuxième pilier est d’avoir des charges de productions réalistes à l’échelle de notre presse à dimension humaine. ça passe par réfléchir à la rationalisation de nos outils et leur mutualisation.
Jean Ricateau quitte la présidence avec une frustration sur le sujet, quelle est votre position vis à vis de La Poste.
Je suis admiratif du fair-play de madame Cécile Sartori (directrice du marché presse à La Poste ndlr.). Mais La Poste nous fait perdre des abonnés. Dans mes titres, c’est la deuxième cause de résiliation. Certains de nos abonnés pensent que le journal doit arriver le lundi, pas le vendredi alors que nous payons la prestation de presse urgente. Ils nous répondent qu’ils n’ont pas de réclamation sur leur plateforme en ligne donc qu’il n’y a pas de problème mais les gens sont tellement dégoûtés de le faire toutes les semaines qu’ils ont abandonné. Le problème concerne aussi les annonceurs, s’ils achètent une pub pour un événement du week-end, ça ne sert à rien si le journal arrive le lundi. Ils nous font la remarque. La Poste a un monopole qui pourrait être une force pour la presse mais on se sent plus usager que client. On porte déjà le poids de la presse du premier kilomètre, avec eux on paye aussi celui du dernier. Ils nous menacent d’une augmentation de 80 % du tarif de routage. C’est plus que préoccupant. Nous sommes un levier important pour éveiller le sens critique de nos concitoyens. Là, ils scient une branche de la Démocratie. Ce n’est pas un problème unique au SNPAR, la PAD est concernée, la PHR aussi, je suis certain qu’ensemble, nous avons un poids non-négligeable économiquement. Nous avons un travail de lobbying à assurer. D’autant que nous faisons vivre des emplois locaux avec les centres de tris. Si la presse se retire, comment l’information va-t-elle arriver jusqu’aux personnes les plus reculées ?
Vos titres, le Paysan du Haut-Rhin et L’Est agricole et viticole ont obtenu au concours éditorial 2025 du SNPAR la médaille d’argent de l’initiative numérique pour votre liseuse. Pouvez-vous en dire plus sur son développement ?
Il faut savoir s’adapter. À la base, il y a un constat : beaucoup de nos lecteurs sont des seniors qui ont des difficultés à lire. D’où l’idée de développer une presse lue. De plus, ça peut intéresser un agriculteur qui souhaite écouter le journal dans son tracteur. Un outil pour pallier un handicap répond ainsi aux attentes d’autres lecteurs. Nous nous sommes appuyés sur l’IA pour développer l’application de lecture des articles. Le temps de la mettre en place et l’entraîner il a fallu 6 à 8 mois. En moins d’un an elle était en place. Nous avons eu un partenaire pour nous sponsoriser dans la fabrication de la liseuse, car il a cru au projet. C’est important que les partenaires voient que la presse de territoire est dynamique et sait se remettre en cause. Les actions menées sous le mandat de Jean comme le concours annuel permettent de challenger la presse agricole. C’est super ! Cela montre que nous sommes une presse qui sait innover.
Toujours dans l’innovation, les titres du syndicat mènent encore leur développement vers le numérique. Comment comptez-vous les accompagner ?
L’objectif du SNPAR est d’identifier les bons leviers de croissance et ne pas forcer les titres à les appliquer à la lettre mais plutôt leur proposer et les laisser se l’approprier à leur façon. En 2024 le syndicat a activé le cercle des rédacteurs. Il rassemble tous les membres de rédactions volontaires pour discuter des problématiques de chacun. On retombe souvent sur les thématiques de la transition et la montée en puissance sur le web. Il y a une demande de formation chez les collaborateurs expérimentés, moins chez les jeunes qui ont grandi avec ces technologies. Être rassemblés avec le syndicat nous donne les moyens de proposer des formations adaptées à cette demande. Un titre seul pourrait difficilement se payer la prestation d’un spécialiste, seul le SNPAR nous donne les moyens d’atteindre un tel niveau de mutualisation. De plus, sans le syndicat, chacun est dans son bac à sable et refuse de partager ses jouets. Avec le syndicat, on réalise que c’est plus sympa de partager. On observe ce que font les autres, ils nous conseillent. Au fur et à mesure que la technologie progresse, c’est important de renforcer les liens entre les gens. On retombe sur le cœur du métier, l’humain.
Pour votre première année de présidence, vous accueillez à Strasbourg le congrès 2026 du SNPAR, vous semblez vraiment fier à cette idée, à quoi faut-il s’attendre ?
Oui, c’est magique d’accueillir le syndicat dans la capitale européenne. La terre de Goethe, de Gutenberg ! La première presse hebdomadaire à être imprimée vient de chez nous. C’est le berceau de l’industrialisation de la presse et donc de son accessibilité à tous. Ce sera l’occasion de plonger dans notre histoire. Nous accueillerons le congrès avec grand plaisir. Les éditeurs se sont régalés dans le Périgord, nous aussi nous avons plein de bonne choses, ils vont repartir avec 19 kilos en plus. J’ai quelques idées de visites qui resteront des surprises tant que je ne connais pas les dates exactes. C’est aussi un beau clin d’œil à Jean qui finit son mandat sur ses terres et moi qui le commence à la maison. Le congrès reste un moyen magnifique de vraiment entrer dans les territoires, et c’est là toute la force de notre profession.
Propos recueillis par Maxime Schilt
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