Foie gras, fraises, vin… Au menu du Périgord, l’innovation éditoriale vient en plat de résistance. À Périgueux, la presse agricole a partagé bien plus qu’une gastronomie locale. Le congrès du Syndicat national de la presse agricole et rurale (SNPAR) a réuni les 19 et 20 juin, 57 journaux membres sur ses 180 publications. Tous sont venus saluer la fin de mandat de Jean Ricateau, président depuis six ans, et accompagner l’élection de son successeur, Stéphane Janus, directeur du Paysan du Haut-Rhin et de l’Est agricole et viticole. Excusé, ce dernier n’a pu être présent à Périgueux.

“Je suis content de voir des visages venus de toute la France. Vous avez vu que Périgueux, ce n’est pas le bout du monde !”, a lancé avec humour Jean Ricateau en ouverture du congrès, sur les terres de son journal Réussir le Périgord. Loin du simple au revoir, le président sortant tenait à articuler ce rendez-vous autour de la résilience.
Car pour la presse agricole les défis sont bien là. D’abord économiques, avec la chute du lectorat qui frappe le monde de la presse. Elle est ici exacerbée par les départs en retraite non renouvelés des agriculteurs. Logistiques ensuite, avec des réseaux de distribution défaillants. “Nous sommes la presse des zones blanches, celle du dernier kilomètre”, a résumé Jean Ricateau. Enfin, le syndicat a conscience que le numérique n’est pas encore son point fort. La presse agricole reste principalement consommée sur le format papier par un public proche de la retraite. Aller chercher un nouveau lectorat passe par une exploitation du numérique à laquelle le syndicat continue de réfléchir.
Partager les idées qui germent
Malgré ce contexte difficile, le ton n’était pas à la nostalgie. Le SNPAR a mis en lumière les initiatives de ses titres qui démontrent que la presse agricole sait s’adapter à son temps. La catégorie initiative numérique du prix éditorial 2025, qui récompense également les meilleures photos ou encore les meilleurs articles, a servi de vitrine. Médaille d’or pour Entraid Médias, qui a développé « Rayon X », un simulateur en ligne inédit gratuit pour comparer l’efficacité économique des matériels agricoles selon divers critères. Il a été pensé pour accompagner les agriculteurs dans leurs décisions d’investissement.

Autre exemple, celui du Paysan Breton. Le titre est récompensé dans la catégorie initiative éditoriale pour sa couverture originale des élections aux chambres d’agriculture. Le journal a décliné son traitement en print et en télé régionale, mobilisant des formats adaptés à différents publics. Le Paysan du Haut-Rhin et l’Est agricole et viticole, ensemble, ont été salués pour avoir conçu leur propre liseuse web, 100 % intégrée à leur site. Le Paysan Lorrain a, lui, été récompensé pour sa couverture des portes ouvertes des formations agricoles de son territoire : un dispositif hybride entre print et réseaux sociaux, avec des stories quotidiennes pour suivre les visites.
Lionel Robin, rédacteur en chef d’Union & Territoires en Haute-Vienne, envisageait déjà avec timidité le développement d’une liseuse. “Quelque chose d’interne, pour avoir la main dessus, commente-t-il, pas un service à payer à un prestataire” Désormais, il peut se renseigner auprès de ses confrères qui eux, ont passé le pas. “Ce n’est pas un commercial qui vient nous vendre une solution standard. C’est un confrère qui l’a conçu, qui le met en œuvre. Ça change tout.”
Il espère également trouver un système pour exploiter ses archives. Lors du congrès, il a pu échanger avec le Vigneron paysan, qui a développé ses propres archives numériques. “C’est un trésor. On peut se servir de ces textes d’hier pour mieux écrire aujourd’hui. Un journaliste peut y voir tous les angles déjà traités ou même l’évolution des pratiques agricoles. Mais nous pouvons aussi les valoriser, les monétiser auprès de chercheurs, d’autres médias ou du grand public”, médite Lionel Robin.
Des atouts à exploiter
“Vous êtes des acteurs majeurs des territoires. Vos connaissances vous ouvrent des perspectives uniques”, lançait Benjamin Sabbah, enseignant en économie des médias à Sciences Po Lille et à l’ESJ lille. Ce dernier intervenait au congrès autour l’économie de la presse agricole avec comme fil rouge une réflexion autour des pistes de développement.
Il a d’abord invité les rédactions à valoriser leurs compétences techniques. “Vous avez en interne des journalistes capables d’apporter un vrai niveau de conseil, des experts de terrain. Pourquoi ne pas imaginer des services autour de l’accompagnement, du diagnostic, du décryptage technique ? Il y a là une piste sérieuse pour créer de la valeur.”

Autre atout souligné : la confiance exceptionnelle dont jouit la presse agricole auprès de ses lecteurs. “Les baromètres médias le montrent : vous atteignez des records de taux de confiance. FNPS-BVA vous crédite de 91 % !” Un capital précieux que l’intervenant invite à exploiter. Benjamin Sabbah suggère finalement d’élargir les contenus : un traitement technique pour les professionnels aguerris, un autre plus accessible pour un public élargi ou plus jeune. “Mais sans renier les racines de votre presse spécialisée. Son caractère unique, son histoire et son implantation restent vitales”, prévient l’intervenant.
Pour pousser le renouveau un peu plus loin encore, le SNPAR a choisi de faire évoluer son image. Un nouveau logo a été adopté, à l’issue d’un concours ouvert aux rédactions adhérentes. Le vainqueur doit encore subir ses dernières retouches avant d’être dévoilé au grand public. “Nous avons voulu montrer la diversité de talents que nous avons en interne. Nos savoir-faire dépassent l’écriture”, explique Jean Ricateau, fier de cette dernière initiative symbolique.