Les sept grands défis de la presse locale pour 2024

C'est l'heure des bonnes résolutions et des grandes décisions, en ce début d'année. De nombreux défis attendent la presse locale, particulièrement malmenée par une hausse constante des coûts de production, une chute libre des ventes du print, une incapacité à trouver le modèle économique idéal sur le numérique... Alors, 2024 sera-t-elle l'année de tous les dangers ?

Les sept grands défis de la presse locale pour 2024

C'est l'heure des bonnes résolutions et des grandes décisions, en ce début d'année. De nombreux défis attendent la presse locale, particulièrement malmenée par une hausse constante des coûts de production, une chute libre des ventes du print, une incapacité à trouver le modèle économique idéal sur le numérique... Alors, 2024 sera-t-elle l'année de tous les dangers ?
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Quelques publications qui ferment, d’autres qui doivent changer de structure économique pour survivre. Des plans sociaux qui affectent d’emblématiques titres de la PQR. Des mouvements de grève qui secouent les rédactions. Des titres ultra-marins quasiment à l’agonie, menaçant de transformer ces territoires en déserts médiatiques… L’année 2023 n’aura pas été simple pour la presse locale, économiquement et socialement parlant. Mais, en ce début janvier 2024, plutôt que de regarder vers le passé, autant jeter un coup d’œil vers l’avenir, en se penchant sur les grands défis qui attendent les médias de proximité durant ces prochains mois…

Tenter de ne plus dépendre des réseaux sociaux

Meta qui revoit une Ne fois son algorithme, en s’orientant plus sur le divertissement que sur l’information, Google qui fait disparaitre sa page consacrée aux news, des Gafam qui annulent leurs accords pourtant signés pour des années, laissent augurer d’un sérieux manque à gagner en terme de droits voisins dans les rédactions… Depuis une grosse dizaine d’années, la plupart des titres ont estimé que les médias sociaux étaient indispensables pour avoir une diffusion plus étendue de leurs contenus. A raison. Mais la plupart ont oublié qu’ils embarquaient dans un camion sans savoir où celui-ci les mènerait… Résultat : une tros forte dépendance à ces réseaux et une audience qui fond comme neige au soleil lorsque ces mêmes sociaux ne recommandent plus les médias « installés ».
Alors, comment faire quand une part de plus en plus grande de la population s’informe justement à travers ces supports digitaux (notamment les moins de 40 ans) ? Voilà toute la problématique qui se pose désormais, sans que personne n’ait vraiment une réponse cohérente ou efficace. La plupart des titres continuent d’utiliser le déclinant Facebook, ou Instagram, voire Tik-tok. D’autres tentent encore -à leurs risques et périls- d’exister sur X, l’ex-Twitter devenu un lieu d’affrontements plus que de débats. Mais plus personne ne sait vraiment quel est le média social d’avenir…

Revoir sa politique digitale

La nouvelle est effective depuis le jeudi 4 janvier 2024 : Google met fin aux cookies tiers sur son navigateur Chrome. Une disparition progressive (en six mois environ) qui marque un vrai bouleversement dans l’économie numérique. Piliers essentiels de la publicité en ligne, ces cookies étaient le meilleur moyen de réaliser de manière efficace de la publicité en ligne. Et nombre d’éditeurs (notamment en PQR, mais aussi dans des groupes de PHR) avaient utilisé cette tchnique pour vendre de la publicité sur leurs sites. Sans ces cookies, l’efficacité des campagnes est moindre. Donc les espaces publicitaires sont plus difficiles à vendre…

Les spécialistes du marketing planchent bien sûr depuis de nombreux mois sur des solutions alternatives (la publicité contextuelle, par exemple, qui propose des produits en cohérence avec la thématique de la page vue). Mais, pour tous les supports publicitaires (donc tous les médias régionaux), c’est l’obligation de se réinventer en tentant de trouver des solutions innovantes, et qui dépassent bien souvent les compétences internes, notamment pour tous les petits titres.
Depuis longtemps existent des régies publicitaires de branche (366 pour la PQR, Espace PRH…) qui vendent des espaces de manière globale pour tous les titres. Il est peut-être temps que ces régies montent en gamme pour s’attaquer frontalement à la publicité digitale en ayant une force de frappe autant pour les annonceurs que pour les supports (les médias). En proposant des solutions innovantes en terme de e-marketing adapté à la presse locale. Sinon, il est fort à craindre que les acteurs majeurs du secteur (Meta, Google…) continueront d’être les maîtres absolus de la publicité, en fixant eux-mêmes les règles et les conditions…

Par ailleurs, il faudra aussi définir une vraie stratégie éditoriale sur les supports digitaux : tout gratuit, tout payant ou un panachage des deux ? Certains groupes (actu.fr) par exemple , expérimentent un paywall pour certains titres. D’autres passent au contenu exclusif réservé aux abonnés. Il est clair que l’époque du « tout gratuit » est désormais révolue…

Conquérir un nouveau lectorat

C’est désormais la question récurrente de tous les éditeurs : comment trouver de nouveaux lecteurs ? Tout le monde pense en priorité aux plus jeunes, qui ont complètement perdu l’habitude de lire les infos locales (et pas seulement sur papier). Présence sur les réseaux sociaux, création de médias spécifiques (Ta Voix, pour la Voix du Nord, par exemple), abonnements à prix cassé… toutes les pistes sont bonnes pour tenter de séduire ce public. Mais cette opération ne fonctionnera que si le média propose un produit qui corresponde aux attentes des jeunes, ou qui sache surprendre, divertir ce public. 
Conquérir passe aussi par une vrai réflexion sur le contenu du titre. Peux-t-on encore attirer des lecteurs avec un compte-rendu de conseil municipal ? Avec un article sur le match de foot du week-end dernier lorsqu’on paraît chaque jeudi ? De très nombreux titres (notamment en PHR) multiplient les approches « humaines » de l’actualité, en proposant des portraits hors actualité, pour mettre en lumière les gens du coin, en leur accordant leur quart-d’heure de célébrité. C’est peut-être une des solutions.
Depuis toujours, le média local a été l’animateur de la communauté. Un rôle qu’il avait peut-être oublié ces dernières décennies. A chaque titre de  redevenir un moteur de l’agora, un acteur essentiel de la vie des bourgs et des villages pour donner une once d’homogénéité, de liant social à une société qui en a tant besoin…

Tenter de dominer l’intelligence artificielle

Il y a encore quatorze mois, personne n’avait entendu parler de Chat GPT. Aujourd’hui, l’IA (Intelligence artificielle) d’Open IA est devenue quasiment un nom commum. Vraie avancée technologique pour certains, repoussoir pour d’autres, il faudra de toute manière composer avec l’IA avant que celle-ci ne compose avec vous.
Certains groupes de presse (Ebra, notamment) ont déjà sauté le pas et expérimentent ces systèmes automatiques de réécriture, en les appliquant notamment aux papiers des correspondants de presse, pour les corriger. Et on ne peut que saluer l’initiative de l’Alliance de la Presse d’information générale qui, en partenariat avec Reporters sans frontières, a lancé le chantier Spinoza, une IA destinée aux journalistes, garantissant la propriété intellectuelle des médias sur leurs publications.
Mais se pose le problème de la formation et des outils mêmes de l’IA : les technologies avancent tellement vite qu’à son arrivée dans la rédaction, le système sera déjà obsolète, le temps de le choisir, de l’acheter et de l’implanter…

Faire des économies sans rogner sur la qualité ou l’ADN du titre

La publicité en berne, une inflation galopante (au moins en 2023), des coûts de production qui s’envolent, une baisse des ventes et la hausse des charges et des salaires… Autant dire que le panorama n’est pas fabuleux, économiquement parlant, pour les médias locaux. Et, pour sauver les meubles, certains tentent des économies à tous les niveaux. Résultat : des rédactions à moitié vides dans lesquelles les rédacteurs courent dans tous les sens, des restrictions sur les déplacements, une chute de la pagination…
Quel sens aura demain la presse locale si la majorité des articles sont écrits sans sortir de la rédaction ? Ou si la plupart des papiers parlent de faits survenus à l’autre bout du monde ou de la France, juste parce qu’ils sont susceptibles de faire du clic ? Certes, les rédactions doivent évoluer dans leur manière de fonctionner (en acceptant que les journalistes soient multi-tâches, de l’écriture à la vidéo), mais elles doivent garder leur ADN, leur raison d’être : informer les gens du coin sur ce qui se passe localement. Sans cela, on va rapidement voir une multiplication de déserts médiatiques, comme aux USA, avec les inquiétantes retombées en matière de sauvegarde de la démocratie.

Redéfinir la place des correspondants locaux de presse

C’est un débat de fond qui risque d’être lancé en 2024 pour la presse locale : le statut des -indispensables- correspondants de presse. Le cadre juridique actuel date de 1987, une époque où on ne parlait pas de photos numériques et encore moins d’internet… En 2020, un collectif des CLP a été créé par quelques correspondants d’Ouest France. Et, le 19 décembre 2023, ce collectif a été reçu par le cabinet de la Ministre de la Culture qui, selon lui, « dit avoir conscience des problèmes que pose le statut de CLP et la nécessité de clarification.« 
Le collectif a demandé un rendez-vous auprès de l’Alliance de la Presse d’information générale. La réforme du système est en tout cas crainte par les éditeurs qui affirment le plus souvent ne pas être en mesure de payer davantage ces collaborateurs dans un système économique particulièrement tendu…

Arriver à surmonter le ‘gap’ générationnel dans les rédactions

Le journalisme est-il toujours un métier passion ? La question agite les rédactions et les écoles de journalisme à une époque où près de la moitié des jeunes reporters ou rédacteurs quittent le métier après quelques années seulement d’exercice… Un constat largement expliqué par le sociologue Jean-Marie Charon dans son dernier ouvrage « Jeunes journalistes, l’heure du doute ».
Horaires à rallonge, salaires à peine supérieur au Smic, vraie crise de confiance de la profession de la part du grand public, ambiance parfois malsaine dans les rédactions, incompréhensions entre les générations… Les raisons de ces départs sont nombreuses et doivent au plus vite trouver des réponses si on ne veut pas que le métier soit déserté…

Laurent Brunel

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