La ligne rouge financière de la presse d’investigation locale

De nouveaux médias d'investigation fleurissent aux quatre coins de la France. Mais pour eux, qu'ils soient pure player ou journaux physiques, une des enquêtes les plus difficiles à mener est celle qui leur permettra de trouver la clé pour atteindre l'équilibre financier... Photo : Matteo Urru

La ligne rouge financière de la presse d’investigation locale

De nouveaux médias d'investigation fleurissent aux quatre coins de la France. Mais pour eux, qu'ils soient pure player ou journaux physiques, une des enquêtes les plus difficiles à mener est celle qui leur permettra de trouver la clé pour atteindre l'équilibre financier... Photo : Matteo Urru

C’est un tout petit univers au sein des médias locaux, mais il semble plein d’avenir. Déjà de grands noms sortent du lot, comme Médiacités. Mais d’autres journalistes essayent de s’implanter doucement sur leur territoire, comme Le Poulpe en Normandie ou La Topette dans le Maine-et-Loire. Cependant la presse d’investigation, puisque c’est d’elle qu’il s’agit, constitue un microcosme bien fragile financièrement. Et même les plus grands semblent impactés. 

Jacques Trentesaux, directeur de la rédaction chez Médiacités, appelle à l’aide de tous les moyens : passage sur France Inter, conférences… Si le pure-player ne trouve pas au plus vite 2 000 abonnés supplémentaires (aux 4 000 réguliers), Mediacités risque de devoir baisser le rideau. Ce média n’est pourtant pas le plus à plaindre. Il dispose en effet d’une “Société des Amis de Médiacités”, qui investit dans la rédaction. « C’est de la love-money. Cela ne représente que 5 % du capital, explique le fondateur. C’est impactant, mais à la mesure d’un journal. » Lui-même et les autres membres fondateurs, possèdent 55 % du capital. Médiapart en a lui 3 %. « Cela permet, entre autres, de proposer des offres partenaires. »

«La notoriété, c’est le nerf de la guerre.» 

Gilles Triolier, co-fondateur et journaliste chez « Le Poulpe »

Bout à bout autour d’un investissement

En Normandie, cette même notion d’investissement initial  interpelle Gilles Triolier, l’un des fondateurs du Poulpe, un autre média d’investigation locale. « L’investissement de base compose le point de départ de nos finances. Le reste, ce sont nos abonnés et quelques dons. » Pas de société des amis, pas de capital ouvert. De la débrouille et une incessante recherche de l’équilibre. « Cela fait deux ans et demi que l’on existe. On a pour objectif d’atteindre l’équilibre dans trois, quatre ans. » C’est loin, mais c’est parce que lui et son co-fondateur, Emmanuel Sanson, gardent les pieds sur terre. « On savait qu’il allait nous falloir du temps. La notoriété, c’est le nerf de la guerre. » Ce pure-player rêve de plus de dynamisme et de nouveaux contenus. « Certains pigistes travaillent sur de nouveaux podcasts. Pourquoi pas de la vidéo ? » 

Le Poulpe et la Topette, deux médias locaux d'investigation.

Du côté d’Angers, c’est cette originalité dans le contenu qui est devenue l’argument de vente. La Topette est un journal d’investigation dans le Maine-et-Loire. Oui, oui, un journal ! « On a fait le pari du papier et de l’illustration. Ça a marché d’emblée » explique Julien Collinet, co-fondateur du canard angevin. Imprimé sur un beau papier blanc et plié à la manière du 1 d’Éric Fotorino, le journal trimestriel est vendu à 3 000 exemplaires. « On a neuf-cents abonnés, mais la plupart de nos ventes se font en kiosques. » Et question finances, La Topette surprend. « On est en excédent depuis le premier numéro et on a le statut d’association. » L’année prochaine, la structure comptera un deuxième salarié, ce qui devrait mécaniquement refaire passer les comptes de l’association à l’équilibre. Les salariés toucheront leurs salaires, le reste des revenus ira au nom de La Topette. « Personnellement je continue à faire des piges à côté pour vivre. » confie Julien. Argent qu’il met de côté, pour lui. Encore une fois, les comptes ne sont composés que du gain des ventes. La bonne volonté et les bonnes idées ne suffisent malheureusement souvent pas lorsqu’on lance un média local. Mieux vaut avoir quelques appuis financiers solides…

Mattéo Urru

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