Une année blanche en 2021, sans aucune subvention provenant de collectivités territoriales et c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase pour le journal satirique, créé il y a 18 ans de cela. Et la direction du Ravi a décidé de réagir en lançant depuis quelques jours une pétition sobrement intitulée « Pour que vos impôts cessent de financer les Bolloré !« . En demandant avant tout que « la presse pas pareille, citoyenne, indépendante des grands groupes privés, investie dans l’éducation aux médias, soit soutenue par une politique publique ambitieuse, en toute transparence« .
Jusqu’en 2017, le Conseil régional de Paca subventionnait ses projets d’éducation aux médias mais depuis, les aides se sont progressivement réduites, jusqu’à complètement disparaître.
Du côté du Conseil départemental et de la ville de Marseille, pas de nouvelles. « Nous n’avons jamais réussi à entrer en relation avec Martine Vassal, la présidente du département, et son cabinet », confie Jean-François Poupelin, grand reporter pour le mensuel. « Nous ne comprenons pas ce qu’il se passe avec ces institutions, on est comme blacklistés. » L’incompréhension règne, alors qu’il est difficile de (sur)vivre sans ces financements, qui sont déjà données au compte goutte.
« On sentait que le couperet tomberait et voilà, il est tombé »
En 2021, finies les aides des collectivités locales pour le seul satirique de la région Paca. Le journal bénéficie toujours du fonds de soutien aux médias d’information sociale et de proximité, créé après les attentats de Charlie Hebdo, « même si les moyens sont beaucoup moins importants », explique Jean-François Poupelin. En effet, le Ravi touche entre 19 000 et 20 000 € avec cette aide, une subvention non négligeable qui ne suffit pourtant pas.
Alors, pour y pallier, le Ravi se tourne vers le privé, via la publicité.
A présent, les aides pour les projets d’éducation aux médias perçues par le journal sont versées par la Ligue de l’Enseignement, les fédérations populaires, la Fondation de l’Abbé Pierre, etc.
L’absence des collectivités locales dans le débat a même donné au Ravi l’envie d’enquêter pour savoir où partaient les aides de plusieurs millions d’euros de ces entités publiques. Et ils ne sont pas les seuls. Leurs confrères de Mars Actu ont eu la même idée fin 2021, en lançant une demande de transparence des budgets de collectivités locales pour les médias. « Cela fait écho à la concentration des médias dont on entend beaucoup parler en ce moment. Rien qu’en région Paca, Xavier Niel est le seul détenteur des groupes Nice et Var Matin », regrette Jean-François Poupelin.
Informer librement au risque de disparaître
Être un média indépendant est une position fragile, risquée. « On peut toujours se faire supprimer un certain nombre de lignes budgétaires », confie Jean-François Poupelin. Le cas de Georges Frêche, ancien maire de Montpellier supprimant la publicité institutionnelle et les annonces légales dans le Midi Libre lui revient en tête, bien que le média ne soit pas sur la même longueur d’ondes que le Ravi.
La pétition, elle, gagne du terrain de jour en jour. Sur les 2500 signatures espérées elle en compte actuellement 2065 parmi lesquelles des personnalités telles qu’Edwy Plenel, le directeur de publication de Mediapart, Agnès Rousseau, la directrice de Politis, l’écrivain Daniel Pennac… Les syndicats et confrères journalistes soutiennent également l’initiative, qui vise avant tout à sensibiliser le public et à faire connaître la cause.
Le Ravi, le poil à gratter marseillais depuis 2004
Le Ravi est un journal satirique actif depuis 18 ans (création en 2004) en région Paca. Il pratique un journalisme d’investigation à travers ses articles et enquêtes et favorise le dessin de presse comme illustration. Le Ravi est né d’un constat, celui que la presse régionale est trop liée politiquement aux pouvoirs locaux, focalisée sur les faits divers ou le sport et qu’elle ne remplit plus sa mission. Le mensuel est édité par une association indépendante, traduction de sa volonté de n’appartenir qu’à ses lecteurs et s’investit en proposant des projets d’éducation aux médias.