Trois manières de repenser l’info en audio et en vidéo en milieu rural

A Rennes, en Nouvelle-Aquitaine ou en Aveyron, le son et l'image permettent un traitement différent de l'actu locale "froide". Trois médias ou programmes pour trois visions de l'information de proximité.

Trois manières de repenser l’info en audio et en vidéo en milieu rural

A Rennes, en Nouvelle-Aquitaine ou en Aveyron, le son et l'image permettent un traitement différent de l'actu locale "froide". Trois médias ou programmes pour trois visions de l'information de proximité.
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Si l’actu « chaude » trouve naturellement sa place sur les médias locaux (avec mille manières de la traiter), l’actu « froide » s’accommode bien de formats longs et originaux, en empruntant des canaux classiques, comme la télévision, ou plus novateurs, comme le podcast, ou encore hybride, cumulant émission TV et portail internet. Voici trois exemples puisés dans le sud de la France et présentés lors du Festival de l’info locale…

Finta!, les « gueules » de l’Aveyron

Des histoires de mineurs, un coutelier,des femmes « pionnières »… Lola Cros aime les gens. Et aime les laisser parler. Depuis la fin 2020, elle leur tend son micro et les met en scène dans Finta !, sa collection de podcasts entièrement dédiés à son terroir, l’Aveyron.

« Quand je travaillais dans la PQR en Aveyron, je croisais des personnes avec l’envie de les entendre en longueur et pas seulement pour leur soutirer une citation… L’un dans l’autre, je suis arrivé à Finta!, avec deux podcasts mensuels, deux conversations de 45 minutes, en retraçant du collectif à travers un parcours individuel. Par exemple, Camille, qui milite pour l’engagement des jeunes dans la ruralité, en dessinant une sorte d’Erasmus local… Je traite aussi de l’agriculture, de la culture, de la solidarité, avec par exemple le portrait d’un vieux monsieur de 93 ans, le penseur du plateau de l’Aubrac, juste pour écouter sa sagesse. Avec ces conversations, on croise hier et aujourd’hui pour penser à demain.

Finta ! est complémentaires avec les autres médias. La PQR et la PHR traitent bien l’actualité quotidienne, mais j’essaye de me connecter avec les acteurs locaux sur un autre angle. Par exemple, au sujet des femmes qui comptent dans l’Aveyron, je suis allé voir la seule femme étoilée pour un long entretien de 45 minutes, alors que les médias locaux vont plutôt la voir chaque année lors de la sortie du Michelin.

En ce qui concerne l’équilibre économique de mon podcast, il est vrai que je liquide mon épargne sur le projet ! Je n’ai pas de partenaire, c’est un travail bénévole et je finance un ingénieur du son qui fait le mixage. Une bourse de l’Ascam m’a donné un peu d’air pour la deuxième saison. Le podast est un format assez urbain. Et maintenant, il faut que je transforme l’essai, car j’ai un peu d’audience, principalement des 25-45 ans, avec entre 1500 et 1600 auditeurs par mois, soit plus de 30000 auditeurs depuis le début de Finta! Les Aveyronnais de Paris sont une opportunité sur laquelle je peux capitaliser. On m’a regardé arriver, aujourd’hui je suis identifiée et c’est donc le moment pour chercher des partenaires… tout en restant gratuit pour les auditeurs, quitte à créer un club des auditeurs et à faire de l ‘événementiel.

Je suis originaire de l’Aveyron, j’ai fait le CFPJ (une école de journalisme, NDLR) et je n’ai pas eu envie de travailler à Paris. Faire du terrain, c’est ma vie, c’est ce qui m’intéresse. Dans ce département enclavé, loin de tout, j’avais envie de raconter la ruralité aveyronnaise. On a besoin de cette représentation dans les territoires, au lieu de voir ces médias nationaux qui ne débarquent avec une loupe, que pour les élections. Moi, je questionne : quelle est la place d’un département comme l’Aveyron dans la France d’aujourd’hui. Je traite les mêmes sujets que les médias nationaux, mais en prenant mon temps, en ayant une autre vision. »

Champs libres défriche la culture en Nouvelle Aquitaine

La cinquième saison d’une émission sur TV7 Nouvelle-Aquitaine qui démarre, une plateforme sur le web avec des articles, des vidéos, des podcasts… Sonia Moumen défriche la culture avec Champs libres.

« Champs libres, c’est un magazine créé en 2018 pour la chaîne du groupe Sud-Ouest. Un projet dédié à l’art et à la culture dans les marges, c’est à dire en territoire rural, qui est énorme en Nouvelle Aquitaine. Ce thème était le parent pauvre des médias, le plus souvent traités juste sous l’angle de l’animation locale. Or, il y a des initiatives plus qu’intéressantes. C’était là notre intuition… et on a découvert de véritables fourmilières ! Ce ne sont pas des terres de déshérence et de déprime. La cinquième saison va être diffusée et on se lance dans le tournage de la sixième. En parallèle, on a créé champslibres.media qui vient compléter notre réflexion à travers d’autres supports.

En Nouvelle-Aquitaine, on a également un magazine papier sur la même thématique. On a donc que peu de concurrence. Pour le programme de TV7, on ne réalise pas une émission de plateau, on ne fait que des reportages liés par une voix off très écrite, de manière littéraire. On ne fait jamais d’actualité, que l’on peut évoquer d’autre manièredans les réseaux sociaux… et la PQR fait très bien ce job. Au début, on s’évitait les sujets trop évidents pour faire un focus sur des artistes connus parfois internationalement mais peu sur le terrain… Aujourd’hui, on est beaucoup plus ouverts.

Economiquement, Champs libres est produit et financé, tout va bien. Pour le web, c’est plus acrobatique. J’ai créé la société pour ce projet, avec des partenaires dont un cluster en Nouvelle-Aquitaine. Après neuf mois d’existence, on sait qu’il faut s’adapter technologiquement. Il nous faut un modèle économique mixte, et on attend à nouveau un soutien de la Région, du ministère de la Culture… Je ne veux pas en tout cas devenir une agence de production de contenu même si on m’y pousse… C’est compliqué et on réfléchit, en développant des projets connexes qui nous permettent de financer en partie le web… On est sur un sujet de niche qui complique la donne, mais le secteur privé commence à s’intéresser à ce que l’on fait et notre démarche les intéresse…

J’aime prendre mon temps, celui du choix des sujets, du repérage, de la rencontre (un ou deux jours…), on reste pendant tout le spectacle, on fait tout le festival… L’actualité n’est pas un désir en ce qui me concerne. Quand j’ai découvert la Nouvelle Aquitaine, je me suis senti en phase avec le territoire. C’est aussi de rendre une espèce de dédicace à la région qui m’a accueillie, en montrant ses facettes. Dans les projets,  il y a un magazine qui va jusqu’au pays basque espagnol et en Aragon. C’est certes une usine à gaz linguistique, mais qui permet d’élargir notre champ de vision.

On n’a que peu vocation à donner la parole aux habitants sur le magazine TV, sauf s’il y a un grand investissement de la population. On a par contre les Rural stories, avec des kits de formation au MoJo et une résidence d’expérimentation. Ce canal est pour nous une manière de dire aux habitants que eux aussi peuvent raconter leur territoire. On leur met à dispo des kits technique, sachant qu’il faudra qui’ils soient accompagnés pour tourner réellement. »

Nouvel(le) R, les grands thèmes rennais servis sur un plateau

Avec son format mensuel de 52 minutes diffusé sur TV Rennes, Aurélie Crété parle de la ruralité moderne à travers de grands enjeux de société traités sous un prisme local.

« Nous lançons la troisième saison en ce mois de septembre, avec une diffusion mensuelle sur TVRennes. Il fallait apporter un nouveau regard sur la ruralité, et c’est ce que nous tentons de faire. Sur la zone de diffusion, on est à 50% en zone rurale, on décrypte donc l’actualité sur tous les sujets qui intéressent ceux qui habitent là. L’émission est née d’une demande d’un campus, The Land, qui m’aide à concevoir le contenu de l’émission. Il porte la réflexion autour de la nouvelle ruralité. Parmi les sujets, une émission autour de l’énergie, produite ou non en milieu rural… Le principe de l’émission, c’est en tout cas de prendre le temps, de laisser la parole aux acteurs du territoire, à des gens qui ne sont habitués à s’exprimer dans les médias.
C’est une émission qui vient en complément des autres sur la grille de TV Rennes. C’est une émission de plateau avec des reportages durant lesquels on prend le temps de discuter, de se connaître. En tentant toujours de trouver des personnes peu vues ailleurs. On fait travailler à fond son réseau !

J’ai la chance de ne pas avoir ce souci économique, puisque le magazine est produit par TV Rennes, avec des partenaires.qui mettent en avant des produits ou entreprises qu’ils soutiennent et que l’on met sur le devant de la scène via un reportage par exemple. Je ne suis par contre pas au courant des contreparties…

Donner à voir pour proposer d’autres perspectives, c’est notre métier. Je suis également pigiste pour un média national, et ça me conforte dans mon choix. En national, tu prends de plein fouet les idées reçues, les idées préformées du sujet : il faut que tu trouves ça, que les gens disent ça… C’est bien de connaître aussi cela, pour tenter de faire changer les choses lorsqu’on vous propose un sujet… Il ya clairement une disparité de traitement très visible entre le national et le local…

L’émission est enregistrée en public, dans les conditions du direct. On l’enregistre à Rennes et on réfléchissait pour la prochaine saison à aller dans les territoires, et s’intéresser encore plus aux problématiques dans les territoires. Ce serait aller encore plus dans le sens de notre mission… »

La rédaction

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Crédits additionnels : Finta !, Champs libres, TV7 Nouvelle-Aquitaine, TVR.

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