Podcast natif : Finta ! à la croisée des chemins

En pleine explosion, les podcasts indépendants dits « natifs » surfent sur une progression qui ne faiblit pas. Pourtant, leur modèle actuel ne laisse pas envisager un avenir si radieux.

Podcast natif : Finta ! à la croisée des chemins

En pleine explosion, les podcasts indépendants dits « natifs » surfent sur une progression qui ne faiblit pas. Pourtant, leur modèle actuel ne laisse pas envisager un avenir si radieux.

Elle aime à les comparer aux blogs des années 2010. Lola Cros, journaliste indépendante à Rodez, en Aveyron, a crée Finta en décembre 2020. Dédié à l’actualité du département et plus particulièrement à la ruralité, il fait justement partie de cette nouvelle catégorie des « podcasts natifs ».
Identiques de prime abord aux podcasts classiques, les « replays », c’est à dire les programmes audios que les radios ont déjà diffusés et que l’on peut réécouter, les podcasts natifs se distinguent par leur indépendance et leur liberté de format. Plus de contraintes de temps pour rester dans les clous de la programmation radio, plus d’obligation de rester dans le cadre de sa ligne éditoriale…
« Un podcast natif se suffit à lui-même, il a son propre univers, c’est ça qui le rend unique, estime Lola Cros. Il se vit presque comme une série télé Netflix, avec des épisodes qui suivent avec une ligne rouge », analyse-t-elle. Les avantages du podcast natifs sont nombreux et attirent de plus en plus de journalistes, séduits par la liberté qu’offre le format et sa simplicité apparente de création. Et tout comme les blogs de la dernière décennie, ce nouveau format d’information pullule, notamment chez les journalistes, attirés par ce média novateur.

«  La presse locale commence à se mettre aux podcasts natifs .» 

Lola Cros, fondatrice du podcast Finta !

Diplômé d’un Master en journalisme au CFPJ Paris, puis journaliste de PQR (Presse Quotidienne Régionale) notamment à Midi Libre dans l’Hérault, Lola Gros fait justement partie de ces journalistes tombés sous le charme des podcasts natifs. « Quand j’ai crée Finta ! en 2020, mes collègues ne comprenaient pas trop où j’allais. Progressivement, ils ont vu les perspectives que cela offrait ! »
Aujourd’hui, de plus en plus de médias et de journalistes franchissent le pas, convaincus des perspectives que permet le format. Même si, pour cela, il a fallu du temps. Lola raconte : « L’arrivée de Finta ! a bien bousculé les médias et la presse locale, qui sont là depuis quelques décennies et qui n’ont pas bougé. Ça apporte une fraîcheur, avec un format oral qui fonctionne bien. » Mais progressivement, médias et journalistes se mettent au pas. « La presse locale commence à s’y mettre, estime-t-elle. Ils sont intéressés par le format, par ses coulisses, un podcast étant assez complémentaire de leur offre à eux. »  

Du journalisme papier au podcast natif, une voie toute tracée

Si l’émergence des podcasts natifs peut concurrencer les médias traditionnels, elle n’apparait pourtant pas comme incompatible avec la fonction des journaliste papier. Qui peuvent ainsi parfaitement, avec leur formation, franchir le pas. « Je me suis lancé dans l’aventure de Finta ! avec mon bagage journalistique », se souvient Lola, qui n’avait pas véritablement d’expérience dans le podcast. « Je me définis toujours comme une journaliste dans ce podcast, et je travaille avec toute la déontologie du journalisme. » La seule barrière : « du bon matériel », selon Lola Cros. « Sinon, on peut difficilement prétendre proposer du contenu journalistique », selon elle. Ce passage plutôt simple de l’écrit à la parole s’accompagne en plus de perspectives illimitées. Les journalistes peuvent implanter un podcast partout, même au fin fond de l’Aveyron, comme la créatrice de Finta !. « Il n’y avait quasiment rien dans le domaine dans ce territoire. Mais grâce aux réseaux sociaux, on peut aujourd’hui facilement faire connaître son podcast natif », se réjouit cette journaliste désormais indépendante et passionnée par la ruralité. Plus accessible que jamais, l’intérêt du podcast natif pour des journalistes en mal d’indépendance est incontestable.

Un format qui explose…?

Si l’exercice séduit de plus en plus de journalistes, c’est aussi car il attire un nombre d’auditeurs exponentiel. Les derniers chiffres du podcast natif en France, dévoilés par le CSA, Havas et Pondinstall à l’occasion du Paris Podcast Festival, sont en pleine augmentation. La courbe d’écoute chez tous les publics a augmenté de 10% entre 2019 et 2021, portant le total à plus de 15 millions d’écoutes par mois, pour 4 millions d’auditeurs uniques. Le pourcentage d’auditeur estimant que le podcast fait partie de leur quotidien est lui aussi en hausse, de 74 à 79% entre 2020 et 2021, tout comme celui de la fréquence d’écoute quotidienne, qui connaît une augmentation de 4 points, passant de 24% en 2020 à 28% en 2021. Même les annonceurs, indispensables à l’équilibre économique du format, connaît une augmentation drastique : +92% par rapport à l’année 2020.

… ou un format qui implose ?

Pourtant, c’est justement sur l’aspect économique que la vague du podcast natif pourrait venir s’écraser. À l’heure actuelle, la répartition des revenus est partagée entre les spots audios (69%) et le sponsoring (31%), selon l’IAB, l’Interactive Advertising Bureau. Mais si la publicité ne dérange pas les auditeurs, 65% d’entre eux l’estimant correcte selon une étude CSA-Havas Paris, peut-elle suffire à faire subsister ce format de façon pérenne ?  Pas si sûr, au vu de la concurrence grandissante et des modèles économiques actuels.

Le baromètre Acast pour le podcast natif, avec des chiffres en constante hausse. ©Acast 2021

Le podcast hybride, un format d’avenir ?

Les écoutes de podcast natifs ont beau monter en flèche, la question de la multiplicité de l’offre n’est pas résolu pour autant. Avec un nombre de podcast qui explose lui aussi, la concurrence devient de plus en plus rude.
C’est ce qu’observe notamment Lola Cros, qui a fondé Finta ! il y a un peu plus d’un an. « Dans l’offre de tous les podcasts, c’est devenu parfois difficile d’y voir clair. Il y a tous types de podcast, presque un peu trop… Le risque est que ça finisse par devenir une cacophonie générale », avertit-elle. Parmi eux, plusieurs catégories sont largement privilégiés par les nouveaux créateurs, tel quel le thème du développement personnel. De quoi créer l’indigestion ? Assez, en tout cas, pour limiter l’entrée de nouveaux acteurs, selon Lola Cros : « c’est difficile d’émerger et d’être un de plus dans un tel domaine ». La journaliste indépendante estime d’ailleurs que la situation ne pourra perdurer en l’état. « Quand ça va déborder, qu’il y aura trop de podcasts natifs — et je pense qu’on en est arrivés là —, ça va finir par se réguler. » 

«  Je pense que, progressivement, les podcasts natifs sans modèles économiques viables vont disparaître.» 

Lola Cros, fondatrice du podcast Finta !

Progressivement, une fois la régulation opérée, l’avenir des podcasts natifs qui restent se pose. 

Lola Cros, qui vit cette aventure de l’intérieur, se montre pessimiste sur leur indépendance à long terme. « C’est certes un format d’avenir, qui vient bousculer les médias classiques. Mais il disparaîtra peut-être rapidement, avec pour vocation d’être absorbés par des médias plus puissants. C’es une bulle de créativité qui est peut-être éphémère », estime-t-elle. Pour l’instant, la plupart d’entre eux parviennent à conserver leur indépendance, grâce à des revenus publicitaires. Mais la situation risque d’évoluer, selon la fondatrice de Finta ! : « Je pense que, progressivement, ceux qui n’auront pas de modèle économique viables vont disparaître, au profit de ceux qui auront plus de moyens, comme les gros studios de podcast ou la PQR. Et les journalistes indépendants iront trouver un nouveau type de média. »

Mais Lola Cros veut croire à une autre voie, qui permettrait aux podcasts natifs de rester indépendants. « Produire des formats, par exemple pour des studios, des collectivités, des titres de presse locale… Devenir pigiste podcast, en quelque sorte ! ». Un format hybride qui sera, peut-être, l’avenir du podcast natif. 

Le récapitulatif de l'année 2021 pour les podcasts natifs, vu par l'Acast. © Acast 2021

Guillaume Cazcarra

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