Les Etats généraux de l’information à la rescousse de la presse locale et de ses journalistes

Les conclusions des Etats généraux de l'information n'oublient pas les médias locaux. Mieux, les rédacteurs demandent des aides pour garantir la présence de médias -et donc de journalistes- sur les territoires ultra ruraux.

Les Etats généraux de l’information à la rescousse de la presse locale et de ses journalistes

Les conclusions des Etats généraux de l'information n'oublient pas les médias locaux. Mieux, les rédacteurs demandent des aides pour garantir la présence de médias -et donc de journalistes- sur les territoires ultra ruraux.

De quoi allaient accoucher les Etats généraux de l’information (EGI) ? C’est LA question que chacun se posait lorsque le chef de l’Etat, en 2023, a confié les clés de cet énorme chantier de réflexion sur l’avenir de la presse en France au regretté Christophe Deloire, directeur du comité de pilotage  des EGI, décédé en juin dernier.

Le comité a rendu le 12 septembre 2024 un épais rapport de 352 pages avec, notamment, 15 propositions « phares » (voir encadré à la fin de cet article). Mais, pour vraiment comprendre le sens de ces EGI et leurs travaux, il faut se plonger dans les compte-rendus des différents groupes de travail. Et notamment celui du groupe 3, intitulé « L’avenir des médias d’information et du journalisme ». Un groupe présidé par Christopher Baldelli (ex-vice président de M6 et aujourd’hui PDG de Public Sénat), avec, parmi les membres, Sébastien Georges, rédacteur en chef du groupe Ebra, ou Baptiste Thévelein, cofondateur de Médianes et de la revue Pays. Deux profils que l’on met volontiers en avant pour leur connaissance du journalisme de proximité…

Pression des élus, difficultés de recruter en zone rurale

Et c’est la proposition 12, au sein du chapitre « Adapter le soutien public des aides à la presse » qui a principalement retenu notre attention (page 197 du rapport complet). Le groupe de travail affirme haut et fort  que « la lutte contre les déserts informationnels, en soutenant les journalistes professionnels (avec carte de presse) dans les territoires ruraux est un enjeu essentiel. L’un comme l’autre ne s’illustre pas seulement par des thèmes d’envergure nationale et internationale. Ils concernent également les territoires animés par les acteurs locaux associatifs, sociétaux et politiques. »

« La presse d’information locale, départementale et régionale a un rôle fondamental pour animer et faire vivre ces débats en confrontant les idées et en nourrissant le débat par le suivi de l’actualité du bout de la rue.« 

Le groupe note que la lutte contre les déserts médiatiques  est « de plus en plus soumise à des contraintes exogènes qui gênent l’activité des journalistes et l’expression du débat, de la diversité des opinions et des faits.  » Et de citer quatre angles principaux de ces contraintes.
Tout d’abord, « la volonté des uns et des autres de contrôler l’information et sa diffusion pour qu’elles soient favorables par la production de contenus issus des acteurs de la société mais qui la déroulent sans contre pouvoir, sans contradiction. » Ensuite, « les pressions économiques sur les budgets », avec les politiques toujours prompts à supprimer un budget pub lorsqu’un article ne leur convient pas…
Le groupe n’oublie pas non plus « les difficultés économiques actuelles des médias ». « Lorsqu’il y a des arbitrages à faire, le nombre de journalistes et le maillage territorial sont parfois remis en question, notamment dans les territoires les moins séduisants pour les jeunes générations. » Enfin, une réalité que connaissent tous les titres de PHR ou de PQR : « la difficulté de recrutement en zone rurale, dans des agences locales de la presse de moins de 15
000 habitants, dans des départements ruraux sans grande agglomération.« 

Garantir la présence de journalistes sur le terrain

La proposition du groupe est donc, face à ce constat, extrêmement simple : « mettre en œuvre un accompagnement pour la presse IPG, indexé sur le nombre de journalistes dans les territoires ruraux.  » Cela prendrait la forme d’allégement de charges, d’une enveloppe financière…
L’accompagnement « concernerait les journalistes en CDI sur un territoire donné et dédié à ce territoire et dont la mission serait la couverture de l’actualité locale et départementale. L’objectif est de garantir une présence d’un nombre de journalistes sur ces territoires ainsi qu’une présence de représentation des titres de presse sur ledit territoire (agence, coworking, direction locale) qui contribue à l’activité et au maillage. »

Reste à définir la densité de population à partir de laquelle est engagée cet accompagnement. « L’idée n’est pas d’accompagner les journalistes qui se trouvent à Bordeaux, Metz, Clermont-Ferrand. » Et les membres d’identifier notamment les territoires peu peuplés (42 départements comptent moins de 300 000 habitants en France).

Ce dispositif disposerait donc « d’un fonds spécifique d’aide à la presse d’information générale et politique couvrant des zones géographiques ou le financement d’une information de qualité devient très difficile.« 

Cette proposition figure parmi tant d’autres (qui concernent notamment la diffusion en numérique). Mais c’est une des seules qui mette le doigt, et avec des arguments parfaitement maîtrisés par les rédacteurs, sur des réalités connues par tous les éditeurs de presse locale. Reste à savoir si, demain, elle sera prise en considération par les pouvoirs publics avant qu’il ne soit trop tard. Aux Etats-Unis, rien n’a été fait pour tenter de limiter la disparition de plusieurs centaines de médias de proximité. Depuis, d’immenses déserts médiatiques sont apparus, et ces territoires sont aujourd’hui balayés par les fake news, les rumeurs et la communication qui est, forcément, orientée. Espérons que la France réagisse avant d’atteindre cette situation extrême.

Laurent Brunel

Les 15 propositions phares des EGI

1. Faire de l’éducation à l’esprit critique et aux médias à l’école une priorité

2. Neutraliser la désinformation par une sensibilisation préventive à grande échelle (pre-bunking)

3. Étendre la qualité de société à mission aux entreprises d’information

4. Améliorer la gouvernance des médias d’information

5. Renforcer la protection du secret des sources et légiférer contre les procédures-bâillons

6. Proposer une labellisation volontaire des influenceurs d’information

7. Créer une nouvelle responsabilité : la responsabilité démocratique

8. Redistribuer une partie de la richesse captée par les fournisseurs de services numériques en faveur de l’information

9. Assurer le pluralisme des médias dans le cadre des opérations de concentration

10. Pour une reconnaissance européenne du droit à l’information

11. Instaurer un pluralisme effectif des algorithmes

12. Rendre le marché de l’intermédiation publicitaire en ligne plus concurrentiel pour permettre un partage de la valeur équilibré

13. Instaurer une obligation d’affichage des contenus d’information pour les très grandes plateformes

14. Rendre effectives les responsabilités des grandes plateformes dans la lutte contre la désinformation et le cyberharcèlement en préparant un « acte II » du Règlement sur les services numériques (DSA)

15. Consolider une politique de lutte contre la désinformation à l’échelle européenne

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