La presse locale s’adapte à la flambée du prix du papier

La demande en dent de scie pendant la pandémie mondiale de Covid-19, la hausse du prix de l’énergie et la priorité donnée à la production d’emballage carton ont fait exploser les cours du papier. Pour pallier la flambée, chaque journal tente de trouver une solution...

La presse locale s’adapte à la flambée du prix du papier

La demande en dent de scie pendant la pandémie mondiale de Covid-19, la hausse du prix de l’énergie et la priorité donnée à la production d’emballage carton ont fait exploser les cours du papier. Pour pallier la flambée, chaque journal tente de trouver une solution...

Après avoir tiré la sonnette d’alarme pendant de longs mois, la presse est contrainte de faire face. De nombreux titres comme Le Monde, Le Figaro, L’Humanité ou Libération week-end ont augmenté leur tarif en kiosque de quelques centimes pour amortir la flambée du prix du papier. Depuis le début de la pandémie, son cours galope. A tel point que fin 2021, la tonne de papier coûtait désormais 600 euros (contre 300 euros au premier semestre 2021). La tonne de pâte à papier est quant à elle passée de 700 euros à 1170 euros. Comme si ce n’était pas suffisant, des difficultés d’approvisionnement qui s’amplifient depuis le mois septembre ainsi que la hausse du prix de l’énergie compliquent encore la situation. 

Les origines de la crise

Ce contexte trouve plusieurs origines. La première est conjoncturelle : la demande en papier a ralenti pendant la pandémie de Covid-19. « Certains imprimeurs ont vu leur activité diminuer de 70 % », explique Philippe Valains, délégué à l’Union Nationale des Industries de l’Impression et de la Communication (UNIIC) à Ouest France. Le prix de la tonne de papier a atteint un niveau très bas, 300 euros environ. La demande s’est ensuite réveillée au même moment pour tous les professionnels. « L’accélération de l’activité économique dans de nombreuses régions du monde, une demande chinoise qui devrait demeurer soutenue, une désorganisation des flux logistiques et divers mouvements spéculatifs, créent une tension qui s’observe sur les marchés de nombreuses matières premières », énumère la Confédération Française de l’Industrie des Papiers, Cartons et Celluloses (Copacel). L’industrie papetière, gourmande en électricité pour transformer le bois en pâte à papier, puis en papier, a aussi subi les conséquences de la hausse du prix de l’énergie. Les usines ne bénéficiant pas de prix fixe ont répercuté cette augmentation sur leur prix.

Ce contexte compliqué a également une origine structurelle : le papier graphique (utilisé par la presse et l’édition) est délaissé pour la production d’emballage carton. « Le marché du papier est tendu car la ligne de fabrication du papier journal est transformée en ligne de fabrication de carton, privilégié aujourd’hui avec l’essor de grandes multinationales telles qu’Amazon », explique Philippe Royer, directeur des Affiches de la Haute-Saône (et également imprimeur). En 2000, selon la Copacel, la part de la presse et de l’édition représentait 44,8 % de la production de papiers et cartons en France, contre 45,9 % pour les emballages et conditionnements. Vingt ans plus tard, la production « graphique » est tombée à 17,4 % contre 66,4 % pour le carton.

« On ne parle donc plus de baisse de pagination mais de maîtrise. »

Arnaud Blondiau, directeur de l’imprimerie de l’Avesnois

La presse locale se retrouve elle aussi dos au mur. Pour compenser ces hausses, plusieurs solutions sont mises en œuvre dans les canards. Si les Affiches de la Haute-Saône ne subit pas de pénurie grâce à son fournisseur suffisamment conséquent, le journal doit tout de même pallier la flambée du prix du papier. « Notre imprimerie a maintenu son tarif jusqu’à la fin de l’année 2021 et, pour l’année prochaine, nous a proposé un coût fixe accompagné d’un coût variable en fonction de l’évolution du marché du papier. Le prix du journal va augmenter afin que l’acheteur amortisse en partie la hausse. Nous allons également réduire la pagination, même si nous pouvons difficilement descendre en dessous de 16 pages », explique Philippe Royer, directeur de l’hebdomadaire. Du côté du groupe de presse Sogémédia, le choix d’investir dans une rotative numérique, il y a six ans, a été « stratégique » puisqu’il permet « d’éditionner, c’est-à-dire de produire des journaux localisés avec un contenu ciblé » éclaire Arnaud Blondiau, directeur de l’imprimerie de l’Avesnois. Et qu’il évite aussi la gâche. « On ne parle donc plus de baisse de pagination mais de maîtrise », poursuit-il.

Trois questions à Luc Van Driessche, directeur de production de l’imprimerie Presse Flamande

Votre imprimerie subit-elle les conséquences de l’augmentation du prix du papier ?
Totalement. Mais le principal problème réside dans l’approvisionnement de nos matières premières. Aujourd’hui, nos délais de livraison auprès de nos fournisseurs sont d’environ un mois à un mois et demi. 

La tonne de papier a pris entre 100 et 150 euros depuis septembre 2021, soit une augmentation d’environ 25 %. Comment luttez-vous face à cela ?
La pénurie ne touche pas tous les types de papier. Ainsi, on essaie de réorienter nos clients vers d’autres papiers que ceux espérés. Par exemple, les supports de communication continuent à être produits sur des flyers. Mais on est aussi contraint de respecter le label PEFC, la certification permettant d’assurer la traçabilité du papier issu de forêts responsables. Dans ce contexte, on est obligé de respecter la chaîne de distribution, de conserver nos fournisseurs et de ne pas enfreindre les règles. On se retrouve dans une impasse.

Comment vivez-vous la situation en tant que chef d’entreprise ?
C’est forcément un passage difficile. On se doit d’être réactif pour concurrencer Internet. En ce moment, commander certains types de papiers revient à attendre trois mois, délai qui s’élève à trois jours d’habitude. La pénurie s’est totalement généralisée. L’augmentation du prix du papier n’est qu’une augmentation parmi d’autres. Imprimer nécessite des plaques offset composées d’aluminium, matériel dont le coût a également flambé. L’encre, réalisée à base d’huile de pétrole, n’échappe pas non plus à la hausse. Notre objectif : s’arranger pour tenir et espérer que la hausse va s’estomper.

Alice Magar et Jean-Baptiste Ployart

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