IA : le groupe EBRA s’engage pour un usage raisonné… mais veut étendre ses expérimentations

Le premier opérateur de presse locale en France vient de publier une charte sur l'usage de l'IA dans ses rédactions, à l'attention des lecteurs. Un texte qui fait écho aux essais lancés depuis plus d'un an dans les journaux du groupe, et qui pourraient s'étendre d'ici peu aussi aux dépêches de l'AFP.

IA : le groupe EBRA s’engage pour un usage raisonné… mais veut étendre ses expérimentations

Le premier opérateur de presse locale en France vient de publier une charte sur l'usage de l'IA dans ses rédactions, à l'attention des lecteurs. Un texte qui fait écho aux essais lancés depuis plus d'un an dans les journaux du groupe, et qui pourraient s'étendre d'ici peu aussi aux dépêches de l'AFP.

Avec l’IA,  on touche à un métier de l’information, avec une matière pas comme les autres -l’actualité-, et il faut être extrêmement vigilants…« . Cette phrase, prononcée par Sébastien Georges, le coordinateur des rédactions du groupe EBRA, fin septembre lors du 6e Festival de l’info locale, est bien représentative des interrogations actuelles dans les rédactions. Et notamment de celle qui doit fixer les limites de l’utilisation de cette IA qui évolue te se transforme chaque jour qui passe…

Le groupe EBRA, justement, a voulu jouer la carte de la transparence avec ses lecteurs, en publiant, le 5 octobre 2024 dans tous ses titres, une charte qui vaut « engagement des rédactions des titres du groupe« . Dans l’esprit des autres chartes portant sur les principes éditoriaux et sur la parité dans les contenus, ce texte se veut le résultats d’une réflexion des rédacteurs en chef des titres du groupe « sur l’arrivée de l’IA dans les rédactions en définissant des engagements concernant son utilisation ».

Aider, mais pas remplacer

Expériementée depuis maintenant un an au sein de quelques quotidiens (notamment ceux du pôle du Républicain lorrain), l’intelligence artificielle a -logiquement- déclenché des inquiétudes au sein des rédactions. « L’utilisation [de l’IA] doit faciliter le travail de nos équipes« , précise le texte présentant la charte, « enrichir l’expérience de nos lecteurs et leur accès à l’information. Son intégration au sein des rédactions s’inscrit pleinement dans une démarche d’excellence journalistique« .

Le groupe décline ensuite sur trois aspects l’utilisation maîtrisée de ces IA. En commençant par le lien, « véritable relation humaine » : « Nous nous engageons à ce que toutes nos publications soient initiées et placées sous le contrôle d’une ou d’un journaliste professionnel. (…) L’intelligence  ne pourra
jamais se substituer à l’expertise de nos journalistes, ni à leur capacité à réaliser des reportages et tisser des liens sur le terrain avec les sources de l’information.« 
Deuxième aspect, la proximité : « La présence de nos journalistes sur le terrain garantit (…) notre capacité à répondre à des attentes de contenus spécifiques
et diversifiés sur toutes les communes de nos territoires. » Les journaux notent toutefois que des contenus sont d’ores et déjà -et continueront de l’être-générés par l’IA (résultats des élections, prévisions météo, résultats sportifs… : « le recours à l’automatisation permet de proposer ces contenus à un coût acceptable pour nos lecteurs.« 
Enfin, Ebra revient que le contrat de confiance avec les lecteurs : « Nous nous engageons donc à signaler clairement tous les contenus éditoriaux qui seraient produits par une intelligence artificielle (…) Nous nous interdisons par ailleurs de modifier des images d’actualités et nous engageons à ne pas utiliser des IA qui ne respectent pas la législation sur les droits d’auteur, notamment pour les textes, photos, infographies, vidéos ou sons.« 

Toujours en phase d’expérimentation

Depuis un an, l’expérimentation menée au sein du groupe EBRA a en priorité été ciblée vers les textes fournis par les correspondants locaux de presse (CLP), généralement relus par les éditeurs ou secrétaires de rédaction. « On s’est demandé, expliquait Sébastien Georges lors du Festival de l’info locale,  comment appuyer et aider nos équipes, en simplifiant la charge de travail lorsqu’on traite jusqu’à une cinquantaine d’articles relus chaque jour. Notre métier, c’est d’abord le sens de l’info et être vigilant là dessus. »

« On fait donc une première relecture par le journaliste, l’IA passe ensuite dessus en quelques instants, et le journaliste relit une dernière fois et valide -ou non- les corrections apportées par la machine. Ça marche bien parce qu’on a laissé les journalistes au cœur du sujet, on a allégé la charge mentale dans cette expérimentation. Et on est toujours dans cette phase d’expérimentation. »

Une autre partie du test a porté sur la génération de titres, avec des propositions de titres et de chapôs plutôt encourageantes, qui lance une réflexion sur l’amélioration de la titraille. Une autre tentative vise à la réalisation de mini-portraits, sur la base de tableaux issus de sources sûres.

Un an après les premiers tests, quelle leçon tirer ? « On a mis en place une cellule, qui travaille avec des licences de Chat GPT. Nous avons également mis en place des pare-feux pour éviter que d’autres ne copient purement et simplement nos prompts… Au delà, un an plus tard, on continue de travailler avec l’IA sur la base du volontarait sur le Républicain lorrain et Vosges matin, avec plus de 4000 contenus traités. A nos yeux, c’est de plus en plus positif, d’autant plus que les équipes se sont approprié l’outil. »

« L’IA nous aide et nous sert. L’outil nous permet, c’est ce que nous disent les équipes, d’alléger la charge mentale, et on ne l’avait pas vu là ! Et on ne dénature pas le métier car le journaliste garde la responsabilité éditoriale. On ne dégrade pas le métier. Si demain, on décide de généraliser le projet, il faudra le coupler à l’outil éditorial, ce qui n’est pas le cas pour le moment... »

Des tests sur les dépêches de l’AFP ?

Mais le groupe compte toute de même avancer bien au-delà du travail sur les articles des correspondants, la correction grammaticale orthographique et orthotypographique, ainsi que la proposition de titres et chapôs. Ce vendredi 11 octobre, la Correspondance de la Presse révélait en effet que le bureau parisien du groupe EBRA lancerait prochainement des expérimentations « consistant en des réécritures des dépêches AFP en différents formats« , selon un communiqué des élus du Syndicat national des journalistes (SNJ).

Contacté par nos confrères de la Correspondance, le responsable du bureau parisien affirme que « rien n’est lancé, il ne s’agit que d’un projet de test.(…) Cela se fera en toute transparence avec la rédaction,  et l’expérience sera co-construite avec les journalistes. »

Concrètement, le groupe EBRA étudie l’éventualité d’un traitement automatisé des dépêches AFP pour les adapter à chacun des titres de PQR du groupe. En améliorant ainsi le référencement et espérant obtenir pour chacun des textes une meilleure visibilité sur le web. Des expérimentations dénoncées par les syndicalistes, déjà remontés après les tests réalisés depuis un an. Preuve que l’IA et son intégration dans les titres de presse, quels qu’ils soient, devraient donner des maux de têtes à tous les éditeurs de presse, autant sur les aspects techniques tout autant qu’éthiques…

Laurent Brunel

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