Tous ceux qui ont déjà travaillé dans un hebdomadaire régional connaissent le blues de la secrétaire d’accueil le jour de publication du journal. De manière chronique, celle-ci passe une bonne journée au téléphone pour répondre -avec le plus grand calme possible- aux récriminations (légitimes) des abonnés qui se plaignent de ne pas avoir reçu leur exemplaire…
Depuis des années, voire des décennies, les problèmes liés à la distribution sont posés sur la table sans réellement trouver de solution, les éditeurs demandant logiquement à ce que les engagements (notamment la livraison chez les particuliers le même jour que celui de la mise en vente en kiosque) soient respectés. Et la Poste, de son côté, tente de trouver une solution pour cette activité coûteuse (296 millions d’euros en 2020) et pas rentable (la compensation par l’Etat a été de 96 millions d’euros en 2020).
En février, une solution a semble-t-il enfin été trouvée, avec la signature d’un « protocole d’accord encadrant la distribution des journaux ». Un plan tripartite réunissant la Poste, le Ministère de la culture et les éditeurs de presse.
« Cette réforme, assure le ministère dans son communiqué, a pour objectifs, d’une part, d’offrir davantage de liberté, de qualité et de prévisibilité aux éditeurs de presse en matière de distribution aux abonnés, mais aussi de garantir un service public de distribution postale de la presse à un tarif privilégié sur l’ensemble du territoire, tout en améliorant son équilibre économique. » Autrement dit, de tenter de réformer le système qui, aujourd’hui, est loin d’être parfait, même si la Poste assure que « 92 à 97% de la distribution se fait dans les délais.«
Alors, l’accord mise désormais sur un transfert de cet acheminement de la Poste vers des opérateurs de livraison à domicile, avec un objectif : d’ici 2026, 80 millions d’exemplaires (sur les 622 en 2020) passeront du postage au portage.
Deux axes essentiels dans ce nouveau dispositif (qui n’entrera en vigueur qu’après avis positif de la Commission européenne, à qui elle a été notifiée) : un nouveau système de tarifs et de nouvelles aides aux éditeurs.
Pour les tarifs, la grille est simplifiée puisque de trois il n’en restera plus qu’un (et pas le moins cher)… « Concrètement, il s’agit d’une simplification de la grille de lecture des tarifs postaux », confirme Patricia Panzani, directrice adjointe et responsable du pôle vente/distribution à l’Alliance de la presse d’information générale. « On regroupe de cette manière les aides directes au lieu qu’elles soient indirectes, via la Poste.«
Pour compenser ce surcoût, apparaît une aide à l’exemplaire (applicable pour la presse IPG), qui sera différente selon que le journal soit posté ou porté. Dans le premier cas, l’aide sera dégressive à partir de 2024, ce qui constitue une nette incitation à passer au portage. La Poste promet toutefois que « le système d’aides aux éditeurs est prévu pour que leurs coûts de distribution n’augmentent pas.«
La presse quotidienne régionale (PQR) a largement anticipé cette tendance lourde, puisque depuis des dizaines d’années, elle a mis en place ses réseaux de portage, permettant aux abonnés de lire dès potron-minet les nouvelles. Une formule qui lui a d’ailleurs permis de conserver un gros volume d’abonnés séduits par la garantie d’obtention du périodique. « Il faut toutefois noter que des titres ont des difficultés pour recruter des porteurs, note Patricia Panzani, et dans certains territoires, c’est problématique.«
En ce qui concerne la presse hebdomadaire régionale, quelques rares titres possèdent déjà leur propre réseau de distribution, toutefois économiquement et matériellement compliqué à mettre en place du fait de la périodicité. D’autres ont rejoint le circuit de distribution du quotidien, profitant ainsi d’un système de portage déjà mis en place (c’est le cas généralement de titres appartenant à un groupe, comme une partie de ceux de Publihebdos, qui sont distribués par les porteurs de Ouest France).
Mais quid des journaux indépendants ou de ceux qui diffusent sur une zone extrêmement rurale et vaste (l’Aveyron, le Tarn, l’Ariège, les Hautes-Alpes…) ? « Les réseaux de portage devront garantir l’ouverture de leur flux à l’ensemble des titres agréés par la Commission paritaire des publications et des agences de presse, avertit le Ministère de la culture, condition essentielle et indispensable au succès de cette réforme. » Mais que faire quand un tel réseau n’existe pas ? Il ne reste qu’une solution : passer par la Poste. Dans ce cas, que se passera-t-il dès 2024, lorsque l’aide à l’exemplaire posté sera dégressive ? « Cette baisse ne sera pas appliquée dans les zones où la seule et unique solution sera le postage », rassure Patricia Panzani. « De toute manière, nous ferons dans deux ans environ un point d’étape avec l’État et la Poste pour savoir comment on avance sur le sujet, et en regardant notamment comme la PHR avance pour desservir ses abonnés. »