Grise mine. Les éditeurs n’ont pas du se réjouir, ce 15 septembre, lorsqu’ils ont reçu les chiffres de diffusion et fréquentation de presse française contrôlée, pour la période allant du 1er juillet 2021 au 30 juin 2022. À de rares exceptions près, tout le monde est dans le rouge. Et l’ACPM (Alliance pour les chiffres de la presse et des médias) qui réalise cette étude affiche en grand le résultat global : -3% de diffusion (papier et numérique) entre la période étudiée et la précédente, à cheval sur 2020 et 2021…
Il faut dire que la période antérieure était hors normes. La deuxième moitié de 2020 était encore marquée par la crise sanitaire et les confinements (même s’ils étaient allégés par rapport au mois de mars). Avec l’énorme flux vers les médias « traditionnels » et de confiance -pour s’informer de manière sûre- qui avait accompagné la pandémie.
La PQR sévèrement impactée
Du côté de la presse locale, la tendance, qui reste la même que depuis une dizaine d’années, devient de moins en moins supportable économiquement parlant. Avec une chute de 3,1%, la PQR (presse quotidienne régionale) ne voit pas le bout du tunnel. Quasiment tous ont une évolution à la baisse, flirtant parfois avec les 10%, comme c’est le cas pour le Quotidien de la Réunion et de l’océan Indien (-9,78%) ou Paris-Normandie (-8,69%).
Si la plupart des baisses tournent aux alentours de 3 ou 4%, Ouest France sauve les meubles avec seulement -0,3% des ventes (papier et digitales). Et seul le Parisien peut se targuer d’être dans le vert avec une hausse de la diffusion de 1,79%.
Alors, les ventes numériques sur lesquelles tout le monde espère tant vont-elles redresser la tendance lourde de ces dernières années ? Difficile à croire. Car, malgré tous les efforts, les chiffres restent très en deçà des espoirs. Au maximum, elles représentent le cinquième des ventes (106 021 sur 624 504 exemplaires pour Ouest France, 31 250 sur 185 568 ex. pour la Voix du Nord…). Mais, pour la plupart des titres, on est bien en dessous : 2554 sur 55 405 ex. pour l’Alsace, 7254 sur 81 743 ex. pour le Républicain lorrain, voire seulement 78 sur 5012 ex. pour l’Eclair des Pyrénées…
Et il faut encore ajouter la mauvaise pente sur laquelle se trouvent les sites et applis de presse, qui, avec 8,1 milliards de visites, chutent de 4,7%. Une nouvelle dure à avaler, alors que les Français qui consultent les sites de PHR le font majoritairement (56%) via leur site du mobile.
La PHR sans stratégie digitale payante
Du côté de la PHR (presse habdomadaire régionale), la situation est encore pire. Si les 149 titres étudiés continuent de vendre plus de 47,7 millions d’exemplaires, ce chiffre est en baisse de 4,7% par rapport à la période juillet 2020-juin 2021. Une chute qui s’explique par le fait que plus de la moitié des journaux vendus (51,7%) le sont au numéro, chez les marchands de presse. Et ceux qui disparaissent également comme neige au soleil. Des postes de vente qui ferment et qui sont impossibles à remplacer (surtout en zone ulra rurale, le cœur de cible de la PHR), et c’est une dégringolade assurée… A titre de comparaison, la vente au numéro n’est plus que de 23,4% en PQR et de 13,7% en PQN (presse quotidienne nationale).
Alors, comment se comportent les titres de la PHR ? Globalement mal. Même le poids lourd, la Manche Libre, qui flirtait il n’y a que quelques années avec les 70 000 exemplaires, doit se contenter désormais de 51 030 journaux vendus en moyenne chaque semaine (-5,66%). La plus grosse chute survient pour l’Hebdo de Sèvre et Maine (-17,55% à 5658 exemplaires), suivi de près par Eure Infos (-15,48% à 2805 ex.).
Quelques hausses sont toutefois à mettre au crédit de cette presse ultralocale, comme le spectaculaire +29,44% de l’hebdo communiste lillois Liberté Hebdo (3997 ex.), les beaux 12,24% de L’Essor savoyard 73 (1165 ex.) ou les encourageants 6,43% de la Semaine de l’Allier (5378 ex.)
Par contre, et c’est ce qui suscite certainement le plus d’inquiétude pour l’avenir, c’est l’absence quasi généralisée de ventes numériques pour les titres de PHR. Les plus performants plafonnent à quelques centaines d’exemplaires, ce qui est largement insuffisant pour compenser les ventes perdues en kiosques. Le principal obstacle reste le problème de lisibilité du titre sur le digital, en l’absence -ce qui est encore trop souvent le cas- d’un responsive design qui permet de consulter son journal aussi simplement qu’en papier…
D’autres ont aussi fait le choix du tout gratuit sur le web (donc un financement principal par la publicité), comme le groupe Publihebdos et sa plateforme actu.fr qui fête cette année ses cinq ans avec une très belle performance à 90 millions de visiteurs au mois d’août 2022. Des papiers gratuits qui, forcément, n’incitent pas les lecteurs à jeter un coup d’œil sur le journal payant…