Filer dans sa voiture, ouvrir son micro, prendre un repas chez un inconnu, l’écouter parler quelques heures. Puis un peu de montage… et le tour est joué : un épisode du podcast Pourquoi t’es là ? (PQTL) est né.
Vingt minutes, sans voix de journaliste. Uniquement la parole des habitants et quelques bruits de fond. Voilà ce qu’on découvre dans le nouveau podcast créé par Clarisse Gruyters, dont le premier épisode est disponible depuis le 3 octobre.
Le but ? « Savoir pourquoi les habitants ont décidé de s’installer et de rester dans les Cèze Cévennes, la vallée la plus pauvre du Gard, explique la jeune femme de 23 ans. Pour, à la fin de la vingtaine d’épisodes, obtenir un portrait de la région loin des clichés. »
L’envie du podcast
PQTL est la première création de Clarisse. On pourrait penser qu’elle est une jeune journaliste, originaire de cette vallée reculée du Massif central et fan de sa région natale. Mais ce n’est pas le cas. « Il y a six mois, j’ignorais tout des Cévennes » admet la jeune femme, qui a grandi à Dreux (Eure-et-Loir) puis étudié à Toulouse et Paris. « Je suis choquée par la diversité et la facilité d’accès des gens ici » ajoute-t-elle, en nouvelle amoureuse de la région.
« Il y a six mois, j’ignorais tout des Cévennes. »
Clarisse Gruyters, réalisatrice de Pourquoi t’es là ?
Elle ne connaissait pas plus le monde du journalisme : Clarisse a en effet étudié le droit et la sociologie en licence. Puis a intégré l’Ecole normale supérieure à la rentrée 2021. Sa formation technique, elle l’a réalisée en mars 2022, lors d’un stage au Mémorial de la Shoah : « C’était la commémoration des 80 ans de la rafle du Vel’ d’Hiv’ et ils ont créé un podcast pour l’occasion. Je dérushais des vidéos de 4 h pour en faire des podcasts d’une trentaine de minutes. Techniquement, j’ai tout appris là-bas » explique l’étudiante.
De ce stage est surtout née l’envie du podcast. Avec les 300 € glanés, elle achète un micro et commence à interviewer ses amis. « L’idée de réaliser un podcast donnant pleinement la parole aux gens m’est restée dans la tête. Puis j’ai trouvé un service civique à la Maison Perséphone dans les Cévennes et le podcast était compatible avec ma mission », raconte-t-elle, sourire aux lèvres. Sept mois après le stage, un épisode sort, chaque dimanche, sur l’ensemble des plateformes de streaming.
Faire entendre d’autres voix
Au-delà du format, Clarisse voulait donner la parole à ceux qu’on entend peu ou si peu. « D’habitude, on fait parler les gens d’un sujet. Jamais d’eux. » L’apprentie journaliste les fait raconter leurs histoires, leurs projets, leurs attaches. Florian, graffeur, Stéphane, travailleur associatif en radio, Christelle, coiffeuse à Saint-Ambroix, ce sont, au total, plus de vingt Cévenols aux parcours différents qu’elle met en lumière.
Clarisse veut faire entendre d’autres voix. Au sens propre. « A la radio et à la télé, on a toujours les mêmes types de voix, alors qu’il existe plein de variations. Un des épisodes est consacré à de gros fumeurs vivant en camion, avec la voix roque, grave, cassée. On n’entend pas ça d’habitude » se satisfait-elle.
Un modèle financier à trouver
La jeune femme a longtemps réfléchi à son projet, sans spécialement se renseigner sur l’environnement du podcast local. D’ailleurs, Clarisse ne connait pas Finta ! – une référence en la matière. Le modèle financier est aussi à trouver. Pour la première saison, elle a investi ses propres économies. « Je n’avais pas pensé à toutes les petites dépenses, concède la jeune femme, l’abonnement Ausha (qui permet de diffuser sur l’ensemble des plateformes de streaming) de 150 € par an, les flyers, les affiches A3 pour la communication et surtout les déplacements, ça représente un bon budget. »
Pour financer la deuxième saison, elle a donc lancé une campagne de financement en ligne. Un peu plus de 500 € ont déjà été récoltés. La moitié de la somme attendue.
Dans les deux premiers épisodes, Clarisse a réuni 180 auditeurs. « Je ne sais pas trop si c’est bien, surtout que je n’ai pas encore vraiment fait de pub » lance-t-elle, en souriant. Si l’étudiante ne sait pas encore si elle poursuivra dans le journalisme à la fin de son master, elle se veut rêveuse et philosophe. « Ce serait trop cool de pouvoir l’étendre à d’autres micro-territoires. Mais si ça ne marche pas, ce ne sera pas une catastrophe. J’aurais appris et profité. » Pour l’instant, la jeune femme est tournée vers la saison 2. A Dreux. « Parce que c’est chez moi. » Elle ne changera pas son rituel : toujours écouter les autres. Sourire aux lèvres.