Un café qui s’ouvre dans un bourg dépourvu de commerces depuis des années ; une entreprise qui développe un projet en plein milieu de nulle part ; une famille qui raconte ses bonheurs -mais aussi ses désillusions- après avoir quitté la capitale pour un petit coin de paradis dans un village de 300 habitants… Depuis bientôt trente ans, le magazine Village conte la ruralité et la campagne française à travers une galerie de portraits, de reportages, d’enquêtes et de témoignages présentée en kiosques trimestriellement. « L’idée est née en 1993, explique Axel Puig, secrétaire de rédaction et journaliste au sein de la publication, lorsque Claire Lelièvre et Sylvie le Calvez ont voulu créer un média permettant d’accompagner ceux qui voulaient s’installer à la campagne. »
Deux ans plus tard, le magazine -qui reste toujours totalement indépendant- accède à une visibilité accrue grâce à une distribution en kiosques à travers tout le pays. Une présence nationale sur papier qui reste encore et toujours un des piliers du projet initial.
Les 20000 acheteurs du magazine (dont la moitié sont des abonnés) ont pu découvrir de sérieuses évolutions dans le numéro de printemps, en vente depuis la fin février 2022. « Comme tous nos confrères, nous faisons face à l’augmentation du prix du papier, commente Axel Puig. Nous avons donc eu de longues discussions pour savoir que faire et avons décidé de prendre le contrepied de la majorité des titres. » Alors, plutôt que de réduire la pagination, la direction décide au contraire de l’augmenter, avec 20 pages supplémentaires dédiées à un dossier sur l’attractivité des territoires, un thème inscrit dans l’ADN du titre. Une hausse de la pagination qui s’accompagne toutefois aussi par celle du prix de vente, qui atteint aujourd’hui 7,90 € (ce qui compense aussi la faiblesse du marché publicitaire, les encarts ne comptant que pour 5% dans le chiffre d’affaires du titre).
Autre innovation pour cette nouvelle formule : le basculement des petites annonces (ventes de commerces, de gites, offres de la part des communes de villages…) du print vers le web pour, au final, avoir un magazine papier qui devient intemporel. Et donc qui se garde comme pour entrer dans une collection.
Un supplément comme un mook, un site web enrichi, une newsletter innovante…
Toutefois, l’équipe est consciente qu’il ne faut pas mettre tous les œufs dans le même panier… Victime comme tous les autres de la fermeture des points de vente, de la crise de Presstalis, le magazine joue de plus en plus la carte de la diversification. Notamment à travers son site web de plus en plus complet, qui propose, outre le kiosque numérique, des résumés des dossiers parus sur le print.
Autre produit tout juste lance : la newsletter « Vos rêves, vos projets, nos annonces ». « Elle est destinée à tous ceux qui veulent créer leurs commerces à la campagne, que ce soient des gîtes, des restaurants ou autres », confirme Alex Puig, « ainsi qu’aux communautés de communes ou municipalités qui peuvent communiquer sur leurs besoins ou opportunités. » Une newsletter qui remplace donc quelque part les pages autrefois dédiées aux annonces dans le magazine. « On gagne en réactivité, en souplesse. Sur le print, il nous arrivait de publier des offres qui avaient déjà trouvé preneur, du fait du délai entre la réception à la rédaction et la publication sur le magazine. Là, on est quasiment dans le direct. »
Enfin, Village n’oublie pas non plus le papier avec son hors-série annuel publié à l’automne, aux allures de mook, dans lequel est évoqué le foncier, l’alimentation locale de proximité, les élus et citoyens en action… « Et la prochaine édition, qui sera co-éditée avec Ouest-France, parlera largement de l’élan citoyen, avec toutes les initiatives pour redynamiser les campagnes. »
En avance sur les changements sociétaux liés au Covid
Véritable relais national de l’actualité hyper locale, Village se fabrique dans un tout petit village de l’Orne, Saint-Paul (652 habitants au dernier recensement). Après des années de présence dans un ancien orphelinat, la rédaction va toutefois vivre une véritable révolution dans quelques semaines puisqu’elle va s’installer dans la grande ville la plus proche. Enfin, « grande », tout est relatif, puisque Flers n’atteint pas les 15000 habitants !
Mais comment couvrir dans chaque numéro le territoire national en étant basé en Normandie ? « La direction est certes dans l’Orne », souffle Axel Puig, « mais on pratique le télétravail depuis déjà de nombreuses années, et même avant que le Covid ne l’impose à une bonne partie de la population ! » Lui-même est d’ailleurs basé en Occitanie… « Nous nous appuyons également sur un réseau de pigistes et correspondants installés dans toutes les régions. Ils souvent issus de la presse locale et repèrent pour nous les initiatives de leurs campagnes. »
Ces initiatives se trouvent donc rassemblées dans les pages du magazine, qui bénéficie de la qualification IPG (Information politique et générale). « Cette compilation d’actions locales se fait dans le but d’aider ceux qui s’installent dans les terroirs. Et nous assumons un engagement clair sur l’environnement et le volet social généré par ces initiatives. On essaye de porter ces valeurs, mais, toutefois, nous ne sommes pas des ayatollahs ! »
Le magazine est d’ailleurs partenaire depuis une quinzaine d’années de « Carnets de campagne », programmé chaque jour à la mi-journée sur France Inter. « Nous sommes là comme l’équipe de Philippe Bertrand, pour parler d’innovation, de gestes qui sont susceptibles de faire avancer le territoire. »
« On essaye de faire rêver, en mettant en lumière des personnes, des idées. Mais on est là aussi pour donner les premières clés pour réussir : les réseaux, les lieux ou trouver de l’aide… Sans oublier de montrer que la campagne, ce n’est pas toujours le paradis. Il y a souvent des obstacles à surmonter, surtout lorsqu’on vient d’une ville dans laquelle tous les services sont à proximité. »
Village tente de mobiliser les énergies et de montrer les choses d’un point de vue positif, tout en étant réaliste. « Il y a trois ans, nous avions titré “Citoyens, engagez-vous !“. On veut mettre en avant les nouveaux modèles économiques, les cafés associatifs, ces lieux qui créent du lien, de la solidarité. » Une sorte de caisse de résonance nationale à ces actions déjà mises en avant de manière récurrente par la presse locale.
