Une bonne interview, c’est celle qui conduit à faire sortir l’interviewé de sa langue de bois. » Albert du Roy, journaliste politique âgé de 82 ans a trouvé les mots justes en 2002 pour décrire le travail d’un journaliste.
La langue de bois n’est, de nos jours, plus la seule barrière entre le journaliste et l’interviewé. Covid oblige, les échanges se font à distance, par téléphone, mais aussi souvent en visio. « Au moins, on voit la personne, coupe Julien Veyre, ancien journaliste à La Voix de l’Ain. Le langage corporel permet de mieux comprendre la personne. Elle peut dire quelque chose alors que ses yeux et son visage, l’inverse. »
« Je trouve ça intrusif. Je ne suis pas à l’aise.»
Hervine Mahaud
La visio permet ainsi de décrire l’interviewé, son attitude, mais aide également à le discerner par une photo, un tableau, un bibelot présents dans son dos ou tout simplement par le lieu où il a décidé de se tenir. « J’ai interviewé deux brasseurs par visio, rapporte Hervine Mahaud, journaliste à Lille Actu. Ils font de la bière artisanale. Ils étaient dans leur cuisine, c’était cocasse. »
Toutefois, elle n’apprécie pas trop ces échanges par écrans interposés. « Je ne suis pas une grande fan. Je trouve ça intrusif, avoue-t-elle. Je ne suis pas à l’aise.» Ainsi, lors des conférences de presse, elle n’allume ni sa caméra ni le son. « Je prends mes notes en tapant sur mon ordinateur donc on verrait mon front », plaisante la journaliste.
Rendez-vous aux Îles Canaries
À Lille, pour ces rendez-vous par Zoom, Teams ou Google Meet, Hervine Mahaud a l’avantage de profiter d’une bonne connexion. Ce n’est pas le cas pour Julien Veyre. « Dans l’Ain, ça ne passe pas du tout parfois, mais quand on cale une visio, on a un rendez-vous prévu donc on a la possibilité de trouver l’endroit adéquat. » Le journaliste de sport avoue avoir déjà suivi, depuis sa voiture, une conférence de presse par visioconférence. Mais il ne veut pas que ça dure. « De manière ponctuelle, c’est une bonne chose. C’est logique dans le contexte de pandémie, mais ça coupe le lien. La visio ne doit pas devenir un réflexe. Les interlocuteurs ne doivent pas en profiter pour garder leur barrière et le journaliste doit reprendre les réflexes de terrain. »
« C’est un métier de contact, c’est important de voir les gens en vrai, abonde Hervine Mahaud. La visio peut être un bon outil car on peut suivre des sujets auxquels on n’aurait pas pu aller car ils sont trop éloignés. » La journaliste a par exemple eu la possibilité de suivre une conférence de presse organisée aux Îles Canaries sur l’ouverture de nouvelles lignes à l’aéroport de Lille. « Il doit y avoir un mix, conclut-elle, entre la visioconférence et les vraies rencontres. »