La Poste sur le point d’abandonner les tarifs spéciaux pour la presse ?

L'inspection générale des finances, à la recherche d'économies dans le budget de l'Etat, propose que la Poste abandonne la mission de service public de transport et de distribution de la presse. Avec les retombées que l'on imagine pour la PHR et la PQR.

La Poste sur le point d’abandonner les tarifs spéciaux pour la presse ?

L'inspection générale des finances, à la recherche d'économies dans le budget de l'Etat, propose que la Poste abandonne la mission de service public de transport et de distribution de la presse. Avec les retombées que l'on imagine pour la PHR et la PQR.

L’image du facteur distribuant les journaux dans les villages et les hameaux va-t-elle devoir être rangée dans le tiroir des archives ? La question se pose sérieusement depuis que, la semaine dernière, la Correspondance de la Presse a mis en lumière un rapport de l’Inspection générale des finances (IGF), commandé en novembre 2023 par la Première ministre de l’époque, Elisabeth Borne. Les conclusions, rendues en mars dernier mais publiées seulement le mercredi 4 septembre, s’attachent à proposer des pistes pour réduire le déficit public à moins de 3%, en regardant où donner des coups de rabot dans les aides aux entreprises.
Et parmi ces pistes, l’IGF note qu’il « semble nécessaire d’évaluer les missions de service public assurées par la Poste au regard de leur utilité sociale et du modèle économique du prestataire, et, le cas échéant, de les adapter avant toute nouvelle diminution des compensations correspondantes. »
Concrètement, sous cette phrase politiquement correcte, l’IGF cible notamment une économie potentielle de 40 M€ « en supprimant la mission de service public de transport et de distribution de la presse assurée par le groupe la Poste« .

Un transport dans les villages qui coûte cher

Depuis 1990, une loi impose à l’opérateur historique cette mission de service public, et ce à un tarif préférentiel pour les médias -par rapport au courrier « classique ». Depuis quelques années, l’Etat (et les médias pour faire face à la dégradation du service postal) se tournent vers le portage pour remplacer cette distribution classique. Une formule qui fonctionne bien pour les abonnés de PQR, s’ils sont citadins, mais qui est beaucoup plus problématique pour les titres de PHR (du fait de la périodicité mais aussi de la diffusions dans des territoires beaucoup plus ruraux) ou pour la PQR lorsqu’il s’agit de livrer le titre dans des hameaux loin de tout.
En 2022, la Poste distribuait près de 30% de la presse écrite par abonnement, dont 24% dans le cadre de sa mission de transport et de diffusion. En terme de volume, 46% des 1,6 milliard d’imprimés (journaux, magazines, etc) passaient par elle. Un chiffre qui diminue chaque année, du fait de la chute des ventes des titres en print, mais aussi de la montée en puissance du portage.
La Poste est compensée financièrement par l’Etat pour cette mission de service public, mais cette compensation est en chute libre, passant de 232M€ en 2012 à 84M€ en 2022. Les coûts fixes, par contre, sont restés très importants car quasiment incompressibles. Et l’évolution des tarifs de service public « n’a pas reflété la hausse des coûts unitaires de distribution, augmentant avec la baisse de volume« , comme l’explique le rapport.

Un vrai danger économique pour les titres locaux

Alors, cette aide indirecte de l’Etat envers les médias va-t-elle disparaître, entraînant une hausse radicale des frais postaux pour les journaux, et une inflation soudaine dans le prix des abonnements, avec le risque évident de désengagement des lecteurs ? La décision n’a pas encore été prise, mais l’IGF recommande d’aller vite, en tout cas avant la fin de l’accord entre les médias et la Poste qui court jusqu’en 2026. Et les inspecteurs des finances insistent lourdement que les médias touchent de nombreuses autres aides, « pour près de 400 M€ en 2023« , sous-entendu que ces 40 millions économisés ne seraient pas grand chose.
Or, la fin des aides postales peut signifier l’arrêt de mort de certains titres, dont l’équilibre économique est aujourd’hui extrêmement fragile. L’Etat incite à passer au portage, mais ce mode de distribution exclusif pénaliserait significativement certains titres : la Semaine des Pyrénées devrait mettre en place un service de portage (avec les difficultés que l’on connaît pour trouver des salariés pour cela) pour apporter une fois par semaine une poignée d’exemplaires au fin fond des vallées du Pays Toy ou d’Aspe ? Le Phare de Ré ou le Progrès Saint-Affricain devraient payer le prix fort pour envoyer le journal aux nombreux abonnés présents sur la région parisienne ? Le Dauphiné n’aura d’autre solution que d’arpenter les petites routes de la Drôme provençale pour apporter quotidiennement le journal aux abonnés vivant dans les hameaux perdus de cette région ?… Des cas concrets parmi tant d’autres qui n’auraient plus aucune solution en cas d’adoption de cette économie.
Quarante millions, cela peut sembler beaucoup. Mais il ne faut pas oublier que le rapport scanne l’ensemble des aides directes de l’Etat aux entreprises. Avec un total qui tourne autour de… 88 milliards d’euros chaque année. De quoi relativiser, et dire aux décideurs que finalement, 40 millions, ce n’est pas grand chose pour continuer de garantir la diffusion d’une presse sérieuse, de qualité dans tous les coins de France…

La distribution de la presse en question au FIL

Logiquement, le Festival de l’info local se penchera sur le problème de la distribution des journaux. Une table ronde est organisée sur le sujet le jeudi 26 septembre à 14 h, avec, pour intitulé, « distribution de la presse : quelles nouvelles solutions ? ».
Pour y répondre, trois invités : Julien Collinet, du magazine La Topette, Audrey Coupat , pour la ville d’Annecy et Patricia Panzani, directrice adjointe et responsable du pole vente/distribution de l’Alliance de la presse d’information générale.
Infos et inscriptions sur le site du FIL.

Laurent Brunel

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