Tous ceux qui ont déambulé sur les Ramblas barcelonaises au début du siècle gardent sûrement en mémoire les statues vivantes qui attendaient la petite pièce des touristes pour s’animer, ou encore les kiosques bleus posés sur l’avenue piétonne, avec, chaque matin, des piles impressionnantes de plusieurs centaines d’exemplaires d’El Pais, de la Vanguardia ou du Mundo deportivo… Les années ont passé et, en Catalogne comme partout sur la planète, les ventes de la presse papier ont fondu comme neige au soleil. A tel point que de nombreux kiosques ont définitivement baissé le rideau, tandis que d’autres cherchent une nouvelle vie.
Cette deuxième jeunesse, cinq jeunes entrepreneurs espagnols l’ont imaginée, en pleine pandémie en 2020. Ils décident d’unir leurs forces pour s’offrir la concession d’un premier kiosque à journaux, à l’angle des avenues Diagonal et Balmes, au cœur de la capitale catalane. « Ce marchand de journaux allait fermer définitivement et nous avons décidé d’agir pour aller contre cela », expliquait Jan Barthe Cuatrecasas, un des cinq entrepreneurs, au quotidien la Vanguardia en février dernier.
Mais l’idée n’est pas seulement de reprendre le kiosque. Ils veulent totalement refonder le concept. Les cinq créent donc la marque commerciale ‘Good News‘ (‘Bonnes nouvelles’ en français), et transforment totalement l’esthétique du kiosque, en adoptant des teintes vert bouteille et grises, alors que le bleu et l’aluminium dominaient jusqu’alors.
Moins anecdotique : les impressionnants présentoirs pour les quotidiens et les magazines disparaissent quasi intégralement, pour ne laisser la place plus qu’à quelques copies de chaque journal, et -aux origines- à une sélection d’une vingtaine de titres de la presse mag exclusivement dédiés à la déco et l’art de vivre (depuis, quelques journaux people et news magazines ont complété la sélection).
« On a voulu changer le look et le feel des kiosques. On élimine le merchandising, on applique une esthétique minimale et si un client nous donne une bonne nouvelle, on lui offre un journal, un magazine ou un café.»
Jan Barthe Cuatrecasas, co-fondateur de Good News
Mais le véritable tournant, et cela se confirme autant en arrivant devant un kiosque qu’en visitant le site internet de la marque, c’est que le business model de Good News ne repose plus du tout sur la presse mais sur… la vente de café. « Nous avons développé un réseau de kiosques et commerces dans lesquels les clients peuvent acheter des cafés à emporter, mais aussi une plateforme d’e-commerce sur laquelle ils peuvent s’abonner à un service leur permettant de recevoir un moulin à café et un kilo de café en grain », complète Jan Barthe. L’enseigne compte donc fidéliser avant tout sur la fourniture d’un café premium (facturé environ 25 € par mois en Espagne) destiné à un public urbain, plutôt jeune et aisé. On est en tout cas loin du marchand de journaux conventionnel…
Aujourd’hui, près de deux ans aprés son lancement, Good News dispose désormais d’une petite dizaine de kiosques (la plupart étaient déjà fermés avant le rachat) et de sept locaux spécialisés dans la vente de café. La petite entreprise a d’ailleurs le vente en poupe, puisqu’en trois tours de crowdfunding, elle a récolté ni plus ni moins que… 4 millions d’euros, preuve que pas mal de monde compte sur sa réussite ! En 2021, le chiffre d’affaires atteignait le million d’euros avec 60 salariés.
L’équipe voir aussi en grand pour le futur, puisque le chiffre d’affaires prévisionnel pour 2022 est de 10 millions d’euros, avec 150 salariés, pour un total d’environ 50 points de vente. Et la grande nouveauté est qu’aprés l’Espagne (Barcelone et désormais Madrid), Good News dépasse les frontières, avec des ouvertures à Berlin, Amsterdam, Copenhague et Paris, à l’angle des Galeries Lafayette dans le 9e arrondissement. Un développement qui, au vu du produit et du positionnement, risque de se limiter aux grandes villes et aux meilleurs quartiers. Avec un objectif clair : que 70% des revenus proviennent du café, la partie presse restant largement minoritaire. Les kiosques ont bien vécu grâce aux journaux par le passé. Et ce nouveau business transforme définitivement cet ancien modèle en image d’Épinal…