On ne peut pas dire que l’info ait fait les gros titres. Mais les répercussions, elles, vont être bien réelles pour le monde de la presse, notamment locale… Mardi dernier, le 5 septembre 2023, Meta, la maison-mère du Facebook a annoncé que, d’ici à la fin de l’année, elle mettrait fin à l’onglet « News » sur son réseau historique.
Un changement qui passera inaperçu pour la plupart des utilisateurs de Facebook, tant il fallait vraiment chercher pour trouver ce fameux onglet permettant de retrouver les infos de médias traditionnels (PQN, PHR, PQR, notamment). Et cette absence de visibilité entraînait logiquement une faible utilisation du service…
« Les actualités représentent moins de 3 % de ce que les internautes du monde entier voient dans leur fil d’actualité Facebook », explique Meta dans une note de blog de l’entreprise reprise par L’Usine digitale. Et d’expliquer que « Nous savons que les gens ne viennent pas sur Facebook pour les actualités et le contenu politique. » Autrement dit, pourquoi proposer un onglet avec des infos vérifiées et authentifiées si personne ne va les lire…
Des contrats signés après des mois de négociation
Derrière ce coup d’arrêt, c’est toute la presse qui tremble. De nombreux journaux avaient en effet cru trouver là la martingale pour retrouver des lecteurs et gagner en audience. Car, derrière l’onglet « Facebook News » se cachent des contrats signés entre chacun des titres de presse et le réseau social. L’Alliance de la presse d’information générale, le syndicat professionnel qui rassemble les titres de PHR, PQR, PQD et PQN, avait négocié durant des mois avec Meta pour décrocher, le 15 février 2022, un accord cadre qui allait ensuite être décliné pour chaque titre sous forme de contrat personnalisé. L’Alliance avait négocié que la rémunération ne soit pas proportionnelle à la diffusion du titre. Ce qui vait forcément fait grincer quelques dents chez les plus gros, mais qui avait ravi les plus petits, comme les journaux locaux de PHR. Le gros chèque avait permis par exemple à certains l’embauche inespérée d’un journaliste. « Les accords étaient signés pour trois ans« , souligne Florent Rimbert, responsable du pôle développement numérique à l’Alliance. « Les éditeurs seront donc rémunérés sur toute la longueur de ce contrat« . Sous-entendu, même si le service s’arrête suite à une décision unilatérale.
« Aujourd’hui, c’est Méta. Mais demain, Google ne sera-t-il pas tenté de suivre la même pente après avoir fait le dos rond et accepté lui aussi de signer des accords ?»
L’algorithme, nouvel esclavagiste
Avec cet arrêt programmé, c’est en fait tout le système des droits voisins, dont la France avait été une pionnière, qui vacille. Ces équivalents de droits d’auteur (pour les médias comme pour les journalistes) étaient censés être versés par les réseaux sociaux pour des infos qui, auparavant, étaient purement et simplement pillées. Aujourd’hui, c’est Méta. Mais demain, Google ne sera-t-il pas tenté de suivre la même pente après avoir fait le dos rond et accepté lui aussi de signer des accords ?
« On a aujourd’hui une réelle inquiétude» , souligne Fabien Rimbert. « X (anciennement Twitter) ralentit les liens vers certains médias, ce qui fait fuir les internautes. Facebook News s’éteint. Concrètement, on grignotte certains modes d’accès vers la presse. On éloigne les utilisateurs des ponts menant aux médias pour les orienter vers ce que veulent les plus jeunes. » Avec l’éternelle question : que va trouver le public sur ces plateformes ? Certainement pas des infos vérifiées et contrôlées…
Au-delà, c’est toute l’adaptation des médias aux réseaux sociaux qui pose problème. Lancés dans une course avec les algorithmes comme lévrier, les médias tentent de s’adapter, de proposer les formats les mieux adaptés pour avoir le maximum d’audience. Mais une fois qu’ils croient avoir atteint le saint-Graal, les Gafam modifient radicalement les algorythmes. Et donc les produits présentés aux internautes.
La course semble perdue d’avance. D’autant plus que les discussions sont compliquées (et extrêmement longue) avec Méta ou Google, elles semblent tomber dans le domaine du vaudeville avec X, dont le patron Elon Musk peut décider de faire tout et son contraire dans le même jour. Et ne parlons pas du réseau star des plus jeunes, TikTok, dont les conditions d’utilisation ou la gestion et l’utilisation et la diffusion des données personnelles semblent avoir été écrites par un scénariste de science-fiction (ou de film d’épouvante).
« On est devant un vrai sujet de viabilité des médias locaux sur les réseaux sociaux« , résume Florent Rimbert. « C’est un vrai sujet, et on espère qu’il sera abordé les prochaines semaines lors des Etats généraux de l’information… »