« Avons-nous la presse que l’on mérite ? » « Pourquoi acceptons-nous que des marchands d’armes, des géants de la téléphonie, des leaders du luxe soient propriétaires de la plupart des médias privés ? » « Les médias sont-ils au service des groupes privés ? Les journalistes peuvent-ils mener des enquêtes impartiales lorsque les propriétaires des titres sont égalemet ceux d’entreprises sensibles ? » Ces questions et bien d’autres, classiques dans la société française, reviennent aujourd’hui en boucle et étaient logiquement posées le 3 avril dans le grand amphi de l’ESJ Lille, lors de l’étape nordiste des Etats généraux de la Presse indépendante.
Cette manifestation, née de la volonté du Fonds de la Presse libre (une émanation de Médiapart) avec l’appui d’une centaine de médias indépendants, veut poser les bases d’une grande réflexion sur l’avenir des médias dans le pays. Pour ce faire, une série de 59 propositions ont vu le jour. Fruits d’une réflexion entre ces médias « libres », ces pistes de loi ou de mesures vont de l’interdiction aux grands groupes industriels de posséder des médias à la mise à plat des aides à la presse, ou une meilleure rémunération des journalistes (notamment les pigistes).
Parmi les grands sujets sur la (sur)vie de la presse indépendante, figure naturellement la situation parfois préoccupante de la presse locale. « Le maillage territorial des médias tend à se distendre« , notait d’ailleurs Jacques Trentesaux, co-fondateur de Médiacités et présentateur de la soirée lilloise. « Aujourd’hui, lors d’une conférence de presse à Lille, il y avait une dizaine de journalistes pour des médias différents« , soulignait Christian Vincent, journaliste et édlégué syndical CFDT à la Voix du Nord. « Aujourd’hui, il n’y a en a plus que deux ou trois. Et on est plus dans le communiqué que l’échange de points de vue…. Je considère que la Voix du Nord est indépendante, car il n’y a pas de pression sur la rédaction. Par contre, on a une pression économique. La publicité s’est effondrée, et la survie de notre groupe de presse locale est fragilisé. Avec la hausse du prix du papier, la mise en place d’internet, il faut des rentrées… Un abonnement est extrêmement cher, mais c’est le seul moyen d’avoir de l’équilibre. L’autre, ce sont les plans sociaux… On a encore 280 journalistes, ce qui est une grosse rédaction, et 500 à 600 salariés. Le but est économique : réaliser des économies d’échelle et des entrées d’argent.«
Alors, que proposent les acteurs des Etats généraux pour améliorer et garantir le futur de la presse locale ? « Garantir une répartition équitable des annonces légales entre tous les médias locaux » (proposition 59), publier « le détail des aides publiques versées par les collectivités locales aux médias, ainsi que des contrats passés avec ces titres de presse » (proposition 14). Et surtout « Renforcer, en les abaissant, les seuils de concentration des médias » (propositions 1 à 3), autant au niveau national que local.
Les propositions, dans leur globalité, seront adressée « au pouvoir exécutif, aux parlementaires et à leurs commissions spécialisées », explique le Fonds pour une presse libre, « aux différents syndicats professionnels des médias, aux sociétés de journalistes ainsi qu’aux équipes des États généraux présidentiels de l’information. En leur demandant de s’en saisir. Et d’agir enfin. »