La religion en presse locale est en pleine mutation puisque la pratique évolue ainsi que la vitalité des communautés. Pour autant, le sujet reste important.» Mgr Bernard Podvin, porte-parole de la Conférence des évêques de France (et ancien étudiant de l’ESJ Lille), décrit ainsi le lien de proximité entre la presse hebdomadaire régionale et les fidèles de l’église.
En 2021, un sondage réalisé par l’Ifop pour l’Association des journalistes d’information sur les religions (Ajir) révèle que près de 51 % des Français affirment ne pas croire en Dieu. Pour la première fois en France, l’athéisme dépasserait la pensée religieuse. En marge de cette évolution idéologique, il reste, dans la presse locale, un héritage chrétien bien ancré. Aux fondations de plusieurs journaux de proximité, qui font la spécificité du traitement médiatique français, il n’était pas rare de retrouver le diocèse du territoire parfois actionnaires jusque dans les années 2010.
Dans les régions et départements du Grand-Ouest, Bretagne, Basse-Normandie, Vendée, Mayenne ou encore Maine-et-Loire, mais aussi dans les Hauts-de-France, ou en Auvergne-Rhône-Alpes, des hebdomadaires maintiennent un héritage catholique qui se perçoit nettement dans leurs pages. La presse locale se teinte de l’histoire du territoire sur lequel elle se situe et s’en imprègne grâce à l’héritage qui en découle.
Presse et préjugés
« Je pense que les gens ont une idée toute faite de la presse locale et qu’ils ne prennent pas le temps de voir si elle colle à la réalité, constate Marc-Paul Lemay, rédacteur en chef du Courrier Français. À plusieurs reprises, il fallait se battre pour faire partie du plan publicitaire pour le tourisme parce qu’on nous disait que ‘’nous étions trop catholiques’’ ». Jusqu’en 2008, date de l’intégration dans le groupe Presse et Médias du Sud-Ouest (PMSO), le groupe d’hebdomadaires locaux avait comme actionnaires principaux les diocèses. Il reste aujourd’hui seulement le diocèse de Blois qui détient encore des parts, toutefois minimes (à hauteur de 0,98 %), dans le groupe pour le titre du Loir-et-Cher.
Pour l’actuel rédacteur en chef loir-et-chérien, la « presse catholique », ou presse née d’un organe née d’un organe religieux, traîne parfois une image caricaturale. « Il y a certaines presses militantes qui sont une presse catholique. C’est une presse dans laquelle je ne me retrouve pas. Pour autant, le journal La Croix est estampillé catholique sans forcément traiter toute l’actualité sous ce prisme-là. Il faut nuancer la presse religieuse et ne pas la voir uniquement sous cet œil-là. » L’Association de la presse catholique régionale, fondée en 1946 recense dix-neuf hebdomadaires, parmi les 250 titres rassemblés dans le Syndicat de la Presse Hebdomadaire Régionale (SPHR). Des journaux certes minoritaires, mais qui révèlent une certaine importance que peuvent encore avoir les actualités paroissiales à l’échelle d’un territoire.
Lecteurs plus ou moins fidèles
Malgré une place dans la société qui s’essouffle, l’actualité du diocèse continue à fidéliser un certain lectorat. « Les abonnés des titres que je rencontre et qui ont cette revendication religieuse, affirme Bernard Podvin, continuent encore aujourd’hui de se fidéliser grâce à ce lien de proximité. Nombreux sont encore ceux qui apprécient ce relais à travers une foi religieuse. » Si la culture éclésiastique manque au traitement médiatique, elle peut être un facteur qui détériore la fidélisation du lecteur. « Il y a certainement un public dans le catholicisme social qui attendait davantage de contenus et d’approfondissement quant au relais et la profondeur que pouvait prendre l’information.”
Le manque de sujets longs et de fond est, pour le porte-parole des évêques de France, l’une des grandes causes de désaffection pour les fidèles. Le rachat des hebdomadaires locaux par des grands groupes de presse et la vente des parts des diocèses actionnaires n’y est pas pour rien non plus. Nicolas Bernard, rédacteur en chef de La Voix de l’Ain perçoit nettement ce changement : « Il y a tout un public -militant, catholique, pratiquant et très actif- qui ne s’est plus reconnu dans nos journaux. Ils se sont un peu détournés de nous parce qu’il ne retrouvait pas cette information qu’il venait chercher et que personne ne donne aujourd’hui dans la presse. » De ce fait, la religion et la presse ont une relation particulière, de part son histoire mais également son implantation géographique : « Il est essentiel, selon moi, que le fait religieux local soit traité dans la PHR, avec la même dignité que toute autre dimension humaine, que ce soit politique, économique, social ou sportif », conclut Bernard Podvin.
Le catholicisme social, quésaquo ?
Le catholicisme social est un courant de pensée qui s’est beaucoup appuyée sur la jeunesse après la Seconde Guerre mondiale. Une jeunesse agricole, ouvrière chrétienne ou encore une “jeunesse indépendante”, comme le définit Marc-Paul Lemay, qui tend à s’émanciper de certains principes étaient une nouvelle génération de catholique, qui essayaient de bousculer les codes dans une période où tout était à reconstruire en Europe. Ce courant a également eu un impact sur la presse locale puisque certaines rédactions se sont développées sur cette idéologie. « Ça influe forcément sur nos politiques rédactionnelles puisque ces mouvements s‘intéressent à la vie civile et tentent d’apporter, à travers leur croyance, des solutions pour la société », analyse Marc-Paul Lemay. Le catholicisme social devient une manière d’évoquer l’humanisme religieux et, au fil des décennies, plus qu’un héritage pour les journaux fortement imprégnés par l’histoire de leur territoire.