L’aventure 20 Minutes, avec ses piles de journaux déposées dans les gares ou ses exemplaires distribués à la sortie du métro, c’est bientôt terminé. Le jeudi 26 mai 2024, les deux actionnaires du titre, les groupes SIPA Ouest France et Rossel, ont en effet annoncé que le journal gratuit lancé en 2002 en France allait disparaître physiquement, les dernières éditions papier devraient en effet être imprimées au mieux au mois de septembre. Le site internet et l’application continueront eux d’être actifs, mais la fin de la version print s’accompagne d’un vaste plan de 56 suppressions de postes (sans compter la fin des jobs d’appoint pour les distributeurs, la plupart du temps des étudiants, qui trouvaient là un complément de salaire bien utile).
La direction souhaite se recentrer en effet sur les versions digitales du titre, mis à mal par les différentes crises du marché publicitaire, l’inflation galopante (même si un certain reflux a été observé dernièrement) du prix du papier et des coûts d’impression.
Le site internet et les applications seront donc conservées et alimentées par la rédaction, dans sa version réduite. Il faut dire que la marque, particulièrement forte, est une des plus connues en France. L’ACPM (Association pour les chiffres de la presse et des médias) note que 20 Minutes a reçu 64 millions de visiteurs au mois d’avril 2024, pour à peu près le double de pages ouvertes. La régie publicitaire sera transférée à 366 (celle de la PQR). Le canal de télévision (sur la région parisienne) devrait également être conservé.
Des plans d’économie insuffisants
Pour tenter de sauver ce qui pouvait l’être, le titre avait sabré en 2022 dans ses éditions locales (il y en avait 11 plus une édition nationale au temps de la grandeur du titre), ne gardant que quelques correspondants en région et limitant la distribution à sept zones (Paris/région parisienne, Lille, Lyon, Marseille, Toulouse, Bordeaux, Montpellier).
Le rythme de parution avait été également largement freiné, avec des publications print seulement les lundis, mercredis et vendredis, et ce depuis le Covid. Elles étaient également le plus souvent supprimées pendant les vacances (pour faire face à la diminution du lectorat classique du titre).
D’une révolution à la disparition
Cette annonce sonne le glas de la presse papier généraliste nationale gratuite en France. En 2002, lorsqu’elle avait fait ses premiers pas dans l’Hexagone, un vent de panique avait soufflé sur la presse « classique », observant d’un très mauvais œil l’arrivée de ces nouveaux acteurs (d’autant plus qu’internet lançait, en même temps des défis nouveaux et inédits à ces journaux).
Le suédois Metro avait ouvert la voie, suivi de près par 20 Minutes, avec la promesse de faire du « hard news », pour laisser les lecteurs se faire leur propre opinion. Le modèle économique reposait à l’époque uniquement sur la vente de publicité (cela évoluera au fil du temps avec, notamment, la conquête des annonces légales depuis leur dématérialisation). En 2006, le groupe Bolloré lancera Direct Soir (à la durée de vie éphémère) puis, l’année suivante, Direct Matin. Trois titres sont alors sur le marché, avec des distributeurs qui harcèlent les lecteurs potentiels à la sortie des bouches de métro ou aux arrêts de bus. C’est l’âge d’or de ces quotidiens… enfin, relativement. puisque, des trois, seul 20 Minutes sera bénéficiaire à un moment ou un autre de son histoire.
Mais tous les titres voient leur avenir de manière assez sombre, à tel point que des négociations pour une éventuelle fusion ont lieu en 2013, sans résultat. En 2015, 20 Minutes cesse de paraître le mardi, le jour où il enregistre les plus faibles recettes publicitaires. Une idée suivie une semaine plus tard par Métro (devenu Métronews depuis 2013)… Et le titre propriété du groupe TF1 disparaîtra même totalement, en version print, la même année.
En 2017, Direct Matin devient CNews Matin puis CNews avant de disparaître complètement des imprimeries en 2021. 20 Minutes était donc le dernier survivant, 22 ans après son lancement. Un titre qui avait réussi un vrai développement local, avec ses rédactions décentralisées performantes et innovantes, mais, qui, comme les autres, n’aura pas résisté à la chute du lectorat et aux crises publicitaires, énergétiques ou de santé…