Var actu : un agrément qui pose problème

En accordant son agrément de service de presse en ligne à varactu.fr, la CPPAP a-t-elle ouvert la boîte de Pandore, et permis aux sites pouvant être générés par l'IA de bénéficier des mêmes avantages que ceux travaillant au quotiiden sur le terrain ?

Var actu : un agrément qui pose problème

En accordant son agrément de service de presse en ligne à varactu.fr, la CPPAP a-t-elle ouvert la boîte de Pandore, et permis aux sites pouvant être générés par l'IA de bénéficier des mêmes avantages que ceux travaillant au quotiiden sur le terrain ?

La page d’accueil du site est on ne peut plus basique, avec sa photo en bandeau d’un paysage maritime digne des calendriers des Postes des années 80. Dessous, une ligne qui vous propose de suivre « toute l’actualité du Var : infos locales, événements, culture, sport, faits divers et de société en temps réel« . Et en scrollant encore un peu, un cocktail d’actus nationales, locales, de publireportages, d’horoscope, de chroniques patrimoniales. Avant encore la météo, beaucoup de publicité envahissante, des podcasts de voyages qui dépassent largement les frontières du Var, des chroniques de psychologie et enfin une petite phrase qui ne peu laisser indifférent : « Vous êtes 600 000 à nous suivre tous les mois, merci à vous ! » Un chiffre exceptionnel pour un portail aussi récent.
Le site varactu.fr est sous le feu des projecteurs depuis quelques jours. Exactement depuis le 27 novembre 2025, date à laquelle la Commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP) a validé l’agrément de ce site « d’informations locale » (après un premier refus en mai dernier). Un agrément pour une durée limitée, six mois seulement, comme l’a révélé la cellule investigation de Radio France, en attendant d’une validation définitive. Ou d’un refus.
Concrétement, cet agrément permet au site d’accéder au régime de faveur fiscal, c’est à dire d’une TVA réduite et d’une exonération fiscale sur les dons. Sans oublier la possibilité d’obtenir un agrément pour la publication des annonces judiciaires et légales. Et l’association Sunmedias Productions, fondée en mars 2015, qui gère le site, a sauté sur l’occasion pour afficher de manière récurrente sur ses pages un appel au don auprès de ses lecteurs. De quoi donner un coup de pouce à ce « média libre, sans publicité intrusive ni financement extérieur, pour une neutralité exemplaire », selon la description affichée sur les pages.

Soupçons de plagiat par l’IA

Au-delà, cet agrément, c’est un peu une reconnaissance par défaut, une manière de dire que c’est un site d’infos locales comme les autres. Et c’est là que le bas blesse. Outre la quasi homonymie avec le groupe Actu.fr, c’est surtout du côté du quotidien Var matin que la colère ne retombe pas. Le journal soupçonne en effet le pure player de reprendre nombre de ses informations. Il faut dire que le rythme de publication de Var actu peut légitimement étonner : une grosse vingtaine d’articles publiés chaque jour  -24 pour le vendredi 5 décembre 2026, étrangement rien la veille et 19 le mercredi 3- par seulement deux personnes (une « journaliste et animatrice de radio » et un « journaliste et ingénieur informatique », selon la page du site). Certes, une bonne partie ne sont que des brèves ou des communiqués alimentés par exemple par les réseaux sociaux de la préfecture ou des pompiers (on retrouve d’ailleurs exactement les mêmes photos). Mais cette cadence de production interroge.

Guilhem Ricavy, le directeur délégué de Var Matin, expliquait au micro d’Ici, avoir « des tas d’exemples de sujets traités » dans son journal et « repris et mis en ligne chez eux vingt minutes plus tard ». Avec un exemple précis : « C’est l’interview d’un maire qui nous annonce un truc. C’est une info connue de nous seuls. Eux en font des brèves. Sauf que ça nous est déjà arrivé de demander à notre interlocuteur s’il avait déjà eu un appel d’un de leurs journalistes, il n’en a pas eu ».

Il faut bien dire que le plagiat de la presse locale existe depuis toujours. Les articles de la PHR et de la PQR sont depuis longtemps repris par les radios ou télévisions locales. Et la PQN aime puiser dans les journaux locaux ses sources d’inspiration. Mais là, le doute porte sur l’utilisation de l’IA pour réécrire des articles qui, eux, ont  nécessité le travail des journalistes et toute l’infrastructure du média pour les produire. Un plagiat que le pure player réfute. 
Le Spiil (Syndicat de la presse indépendante d’information en ligne) a lui aussi fait savoir qu’il ne goûtait que peu la décision de la CPPAP : « Nous nous élevons contre l’usage dévoyé qui est fait [de l’IA] par certains sites », est-il expliqué dans un communiqué. « Non contents de livrer une concurrence déloyale aux éditeurs professionnels qui réalisent des investissements humains et éditoriaux conséquents pour produire une information fiable et dans le respect des règles déontologiques de la profession, ils contribuent à semer la confusion dans l’esprit du public. » Et de veiller « à ne pas renouveler l’agrément de Var Actu à l’issue de la période pour laquelle il a été délivré, et à se doter de solides garde-fous pour éviter la répétition de tels cas ».

Un verdict forcément mauvais pour les médias locaux

Deux mises en demeure à Var Actu ont été adressées par la direction de Var Matin, bien décidée à ne pas se laisser faire.  Et les six prochains mois, ceux de l’agrément provisoire, devraient largement être mis à profit par la CPPAP pour tenter d’y voir plus clair dans cette affaire. Avec une réponse qui, qu’elle soit négative ou positive, risque d’avoir des conséquences catastrophiques pour la presse locale.

En effet, si la Commission décide de valider l’agrément, cela peut donner des ailes à des milliers de sites utilisant ou non l’IA de largement « s’inspirer » des médias traditionnels pour alimenter leurs pages à moindre frais. Si la Commission retire cette validation, le site risque de se pourvoir devant le Conseil d’Etat. Et si ce dernier lui donne raison, cela constituera une jurisprudence pour ces mêmes sites alimentés par l’IA… De quoi ajouter un gros nuage noir supplémentaire aux vrais médias d’info locale, qui n’avaient déjà vraiment pas besoin de ça en ce moment.

Laurent Brunel

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