Tikographie : un média en fusion dans les terres auvergnates

Depuis Clermont-Ferrand, l’équipe de Tikographie raconte chaque semaine les chemins possibles d’une adaptation locale à la crise écologique. Un média associatif né en 2020, qui mise sur l’intelligence collective et le pouvoir d’agir des habitants.

Tikographie : un média en fusion dans les terres auvergnates

Depuis Clermont-Ferrand, l’équipe de Tikographie raconte chaque semaine les chemins possibles d’une adaptation locale à la crise écologique. Un média associatif né en 2020, qui mise sur l’intelligence collective et le pouvoir d’agir des habitants.

À Clermont-Ferrand, le volcan des transitions est bien réveillé. Depuis 2020, un petit média creuse son sillon dans les terres volcaniques de l’Auvergne. Son nom : Tikographie. Ni alarmiste ni angélique, le média associatif explore chaque semaine comment les territoires peuvent faire face à l’effondrement du vivant. En posant une question simple : comment fait-on, ici, pour s’adapter ?

De l’île Tikopia aux rivières du Puy-de-Dôme

Quand Nicolas Hulot démissionne en direct au micro de France Inter en 2018, Damien Caillard est frappé. « J’ai compris à ce moment-là que l’écologie allait englober tous les autres sujets de société » confie-t-il.  Cette étincelle vient s’ajouter à des années d’intérêt personnel pour les questions environnementales. À l’époque, il est engagé dans une autre association clermontoise, Le Connecteur, autour de l’innovation et du numérique.

Peu à peu, le besoin d’un média de fond, ancré localement, s’impose. « Même si les enjeux sont globaux, chaque territoire vivra ces bouleversements à sa manière. Et ici, les gens sont profondément attachés à leur territoire. »

Deux bénévoles lors de la soirée de lancement du recueil " L'année Tiko 2024". ikometrie

C’est en 2020 que naît Tikographie, d’abord comme projet personnel, puis intégré à une association du même nom. Le nom du média est d’ailleurs une référence à Tikopia, une petite île du Pacifique dont les habitants, au bord du gouffre écologique, avaient collectivement transformé leurs pratiques pour sauver leur environnement. « C’est une métaphore de la résilience territoriale : les habitants peuvent changer la donne ensemble » explique ainsi Damien Caillard. 

Donner la parole aux acteurs du terrain

Tikographie, ce sont deux articles hebdomadaires en ligne, souvent longs, fouillés, publiés sur un site sans abonnement. Ce sont aussi des podcasts, des rencontres publiques, une newsletter, et depuis peu un ouvrage papier annuel, « L’année Tiko », financé en participatif, et conçu comme une anthologie des meilleurs reportages. 

Mais Tikographie, ce ne sont pas que des contenus en ligne. Depuis 2020, le média organise aussi les Rencontres Tikographie : des tables rondes de deux heures, ouvertes au public, animées par des membres de l’association. “Le but, c’est de mettre autour de la table un élu, un chercheur, un acteur associatif, et de créer un vrai échange avec les habitants ». En juin 2025, la 50ᵉ Rencontre Tikographie aura lieu : un jalon symbolique pour cette série de tables rondes participatives, devenues aujourd’hui incontournables pour une partie des habitants.

L'enregistrement d'un podcast. ©Tikographie.

Chaque rencontre est montée avec soin : choix du sujet, mobilisation d’intervenants, animation, puis rédaction d’un document de synthèse. Pas de miracle logistique, mais beaucoup d’huile de coude. « Une seule rencontre, c’est facilement une journée de travail étalée sur deux ou trois mois », explique Damien. À ce jour, les débats ont exploré aussi bien le risque incendie dans le Puy-de-Dôme que la pollution des rivières, ou encore l’adaptation de la métropole aux canicules à répétition. En 2024, un cycle consacré à l’eau — Clermont 50 degrés — attire une centaine de personnes. « Des gens étaient debout, il n’y avait plus de place. Là, je me suis dit qu’on touchait à quelque chose d’essentiel » se souvient Damien Caillard. 

Une dynamique associative

Tikographie n’est pas un ovni tombé du ciel : il s’ancre profondément dans un territoire composite, Clermont et ses alentours, entre ville universitaire, passé industriel et ruralité de moyenne montagne. Le Massif central n’est pas qu’un décor, c’est un terrain d’expérimentation à part entière. Et l’une des grandes forces du projet, c’est de s’y inscrire sans folklore.

L’association compte aujourd’hui quatre personnes actives, épaulées par un conseil d’administration de neuf membres. Côté financement, les modèles sont artisanaux : pas d’abonnement, mais du mécénat, des campagnes participatives et du bénévolat. « Ce qu’on développe, c’est avant tout une dynamique collective. » 

Fin 2025, Damien Caillard passera la main, mais il a pris soin de préparer la relève. Car Tikographie n’est pas le projet d’un homme, mais celui d’un collectif qui croit encore à la capacité d’un territoire à se réinventer. En douceur, mais résolument.

« Ce qu’on développe, c’est avant tout une dynamique collective.» 

Damien Caillard, fondateur de Tikographie.

À petits pas, sur un terrain commun

Ce qui guide Tikographie, ce n’est pas une obsession pour l’innovation, mais le souci du lien. L’équipe travaille à une refonte du site internet, pour permettre aux lecteurs de trouver plus facilement les informations proches de chez eux. « On veut toucher aussi des gens qui, au départ, ne sont pas sensibilisés à l’écologie. Et pour ça, il faut partir du quotidien : l’eau, l’alimentation, le train qui passe – ou pas. »

Car l’objectif n’est pas de convaincre, mais de faire exister. De donner à voir des trajectoires locales d’adaptation, et d’encourager d’autres à les rejoindre. « On ne veut ni faire peur ni caresser dans le sens du poil. On pense que les gens aiment leur territoire. Et que c’est de là que peut venir le changement. »  À Clermont-Ferrand, le volcan des transitions continue de gronder. Discret mais tenace, Tikographie en suit les secousses, éclaire les failles, et documente les efforts pour y bâtir un avenir. Un média qui n’apporte pas de réponse toute faite, mais creuse où le terrain commence à bouger.

Chloé Lentier

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