Projet de loi de finances : les radios associatives en danger de mort

Si le budget de la France est voté dans l'état, la plupart des 770 radios associatives du pays vont mettre la clé sous la porte. Une catastrophe qui, outre le fait de supprimer 3000 emplois, transformerait de larges bandes de l'Hexagone en déserts médiatiques.

Projet de loi de finances : les radios associatives en danger de mort

Si le budget de la France est voté dans l'état, la plupart des 770 radios associatives du pays vont mettre la clé sous la porte. Une catastrophe qui, outre le fait de supprimer 3000 emplois, transformerait de larges bandes de l'Hexagone en déserts médiatiques.

C’est en parcourant l’épais projet de loi de finances 2026, présenté par le nouveau gouvernement, que l’on tombe sur une mesure qui sera lourde de conséquences : une baisse de 44% du FSER (Fonds de soutien à l’expression radiophonique), soit une enveloppe de 19,6 millions d’euros au lieu de 35,3. Avec, à la clé, une conséquence directe : la mort annoncée de la plupart des 750 radios locales associatives, pour lesquelles ce fonds est une des uniques sources de financement. Décryptage avec Jean-Marc Courrèges-Cénac, co-président des Locales (rassemblant la Confédération nationale des radios associatives et le Syndicat national des radios libres).

Que signifie cette diminution du FSER pour vos radios ?

Jean-Marc Courrèges-Sénac : C’est clairement une mise à mort. Il faut savoir que nous sommes des radios de catégorie A, ce qui signifie que notre chiffre d’affaires publicitaire doit être inférieur à 20% de notre CA global. 
Cette baisse, le gouvernement avait déjà tenté de nous l’imposer l’an dernier, dans une moindre mesure. Il avait finalement reculé, mais c’est pour mieux nous attaquer aujourd’hui. La plus grande partie de ce fonds est constitué par l’aide à l’exploitation, qui est perçue par chacun des plus de 770 services de radio associatives en France, à hauteur, en moyenne, de 35000 à 38000 € pour chacun. Et ce chiffre n’a pas progressé depuis… 2002 ! En face, les charges sociales ont pris 60%, les énergies -nécessaires pour faire tourner les studios et les émetteurs- 70% et les tarifs de diffusion 65%… Au lieu de nous retirer 44%, il aurait du actualiser et remonter le fonds par radio à 70000 € au lieu de 35000…

D’autres sources de financement pourraient-elles apparaître ?

Notre statut associatif nous interdit de réaliser plus de messages commerciaux. Nous devons donc aussi compter sur le soutien des collectivités. Mais ces dernières sont également au régime sec. Et demain, elles risquent de baisser les subventions. On n’a aujourd’hui plus aucun levier de financement.

« Cette baisse est inacceptable, car elle serait délétère pour notre secteur.» 

Jean-Marc Courrèges-Sénac, co-président des Locales

Mais avez-vous discutéde ces problèmes avec le ministère ?

On a découvert le coup de hache dans le FSER dans la nuit de mardi à mercredi, complètement par surprise. La méthode nous énerve vraiment. Cela a été fait sans aucune concertation, sans discussion. Cette diminution est historique et, finalement, on se demande si ce n’est pas une tactique : on nous propose quelque chose d’outrancier, ces 44% de baisse, pour qu’on retombe finalement, dans quelques semaines, sur du 15 ou 20%. Et qu’on nous dise ensuite « ah, finalement, vous ne vous en sortez pas si mal ! »
Cette baisse, quelle qu’elle soit, serait inacceptable, car elle serait délétère pour notre secteur. Ce serait la fermeture de la plupart des radios, associatives, car le FSER, c’est 40 à 60% du CA de ces structures. 
Il ne faut pas oublier que l’on représente l’un des plus petits postes du ministère de la Culture, avec 35 M€, qu’il faut comparer aux 300M€ de la presse écrite, en ne remettant, d’ailleurs, pas en cause la nécessité de ces aides pour ce secteur. Supprimer 16 M€, c’est mettre environ 2400 salariés au chômage… ce qui coûterait 40M€ de prestations sociales ! C’est ubuesque !

Au delà des risques de chômage, il y aurait la disparition de centaines de médias locaux

Tout à fait. La radio associative, c’est la mise en avant du développement local, du lien social, des innovations sociales. Dans de très nombreuses zones rurales, comme dans les vallées des montagnes, voire même la périphérie des grandes villes, il n’y a plus que la radio associative comme média de proximité, en plus de quelques correspondants locaux de presse. On a un vrai rôle à jouer dans la vie démocratique locale. Et que l’on ne nous compare pas aux réseaux sociaux. Nous n’avons rien à voir : nous avons signé une convention avec l’Arcom (Autorité de régularisation  des télécoms), ce qui veut dire que nous ne pouvons pas dire tout et n’importe quoi. 
Nous sommes aussi ceux qui organisons nombre d’ateliers dans les écoles, collèges et lycées. On a déjà été attaqués avec les restrictions du Pass Culture, et aujourd’hui il devient de plus en pus difficile d’intervenir  auprès de ces jeunes pour leur faire dépasser leur timidité et mes entraîner à l’oralité, leur faire construire des émissions, leur enseigner les rudiments du journalisme que sont le respect des sources, la vérification, rendre accessible l’information aux autres… 

Alors, aujourd’hui, qu’allez-vous faire ?

On a immédiatement demandé un rendez-vous à Madame la Ministre Rachida Dati, et on espère que le contact avec le cabinet aura lieu la semaine prochaine (à partir du 20 octobre, NDLR). On sensibilise également les élus, qu’ils soient maires, députés ou sénateurs. Ils sont tous derrière nous. Et l’on demande surtout, à minima, de reconduire l’enveloppe du FSER. C’est le seuil de survie des radios associatives. 
On demande aussi l’ouverture à d’autres ministères : pourquoi ne pas obtenir des financements par le ministère de la ruralité, celui de l’action sociale, ou encore celui de l »éducation nationale, car notre action concerne aussi ces actions publiques.
En tout cas, l’enveloppe actuelle n’est pas suffisante pour nous assurer un avenir stable. On est dans un environnement économique restreint et contrôlé. On nous étrangle sans possibilité d’avoir d’autres ressources. Et l’absence de concertation est flagrante. On veut savoir en tout cas qui veut nous tuer en agissant de la sorte.

Propos recueillis par Laurent Brunel

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