Monétisation de contenus : Actu.fr devrait terminer sa bascule fin 2025

Depuis le Festival de l'info locale • Entièrement gratuit jusqu'en 2023, le site d'infos locales Actu.fr a basculé dans un modèle partiellement payant, en déploiement jusqu'à la fin de l'année. Pourquoi une telle transition ? Comment sont choisis les articles payants ? Combien d;'abonnés recrutés ? Quelle stratégie pour la suite ? Les réponses avec Laurent Gouhier, président du directoire de Groupe Actu

Monétisation de contenus : Actu.fr devrait terminer sa bascule fin 2025

Depuis le Festival de l'info locale • Entièrement gratuit jusqu'en 2023, le site d'infos locales Actu.fr a basculé dans un modèle partiellement payant, en déploiement jusqu'à la fin de l'année. Pourquoi une telle transition ? Comment sont choisis les articles payants ? Combien d;'abonnés recrutés ? Quelle stratégie pour la suite ? Les réponses avec Laurent Gouhier, président du directoire de Groupe Actu

Le 7 février 2017, une petite équipe rennoise enfermée dans un bâtiment un peu défraîchi lançait actu.fr. Mais avait-elle vraiment conscience que, huit ans plus tard, elle serait à la tête du 6e site d’infos de France ? Mais aujourd’hui, le modèle du « tout gratuit » est quasiment intenable, malgré de telles audiences. Alors, voici qu’à débuté l’ère de la monétisation de contenus. Laurent Gouhier, président du directoire de Groupe Actu, décrypte cette nouvelle étape dans la vie du site.

Interview réalisée le 25 septembre 2025 dans le cadre du Festival de l’info locale.

Comment Actu.fr a-t-il basculé dans un modèle payant ?

Le process du Groupe Actu, c’est le step by step. Et il faut bien comprendre que ça peut prendre un peu de temps, mais cela finit par être efficace ! En fait, en 2024, ce n’est pas Actu.fr qui a basculé dans la monétisation, c’est le Journal d’Abbeville, c’est Le Pays malouin... A chaque fois, c’est du one shot, même si on a des valeurs communes, un mode de fonctionnement commun… Il faut vraiment adapter car aucune rédaction ne se ressemble exactement.
Au départ, on avait réalisé cette transformation numérique au sein de la PHR, une presse qualifiée de « ringuarde »  ou méprisée par certains, pour transformer cela en le 7e ou 6e site d’information en France. On avait bâti cela en mode gratuit, car il fallait d’abord que chaque marque commence à exister sur le numérique. Quand on a franchi la barre des 100 millions, avec plusieurs marques à un, deux ou trois millions de visites, on s’est dit que nous avions des communautés qui étaient assez fortes, et pouvait donc passer à la monétisation de contenus.

Cela s’est donc fait au cas par cas, titre par titre ?

Le plus important pour nous, c’est que cela reste un projet éditorial, pas quelque chose que l’on pilote en marketing. C’est donc l’occasion de revoir toutes les rédactions, de s’interroger : « A quoi est-ce que l’on sert ? C’est quoi ma promesse éditoriale ? C’est quoi la valeur ajoutée que je propose à mes lecteurs ? » On devrait faire cela tout le temps, mais, pour nous, la monétisation a été le moment idéal pour cette remise en question. On repasse donc dans chaque titre, vague par vague, en commençant par un briefing avec les éditeurs et les rédacteurs en chef, et ensuite on va dans les rédactions, car la problématique du Journal d’Abbeville c’est pas forcément la même que celle du Pays malouin. Ça prend un peu de temps -on a commencé en octobre 2024 et on terminera fin 2025-, mais on parle de contenu, de notre mission et notre raison d’exister. Et les journalistes adorent cela !

Ne faut-il pas quand même parler des audiences avec les journalistes ? Ecrire pour être lu, c’est le nerf de la guerre…

Oui, car il y a le tunnel de conversion. Mais la monétisation ne sera réussie que si on est bons. On n’a pas donné à chaque titre un objectif d’abonnements. Nous, à la direction, on en a fixé un, car il a bien fallu construire un modèle économique. Mais ce n’est pas le sujet des rédactions. Il faut qu’ils soient pertinents sur le fond, avec un projet éditorial basé sur l’actualité vue depuis les régions. Ce projet fonctionne, notre contenu fonctionne. Continuons de bien le faire…
De toute manière, les journalistes ne sont jamais déconnectés des audiences. La Presse de la Manche a recruté 100 abonnés par mois en moyenne la première année et fait 1 million de sessions supplémentaires, car, éditorialement parlant, on s’est reposé des questions qu’on aurait dû toujours se poser.

Le site actu.fr est le reflet des hebdos locaux et pure player qui composent sa rédaction. Désormais, il est possible de s'abonner pour accéder à l'intégralité des contenus.

Comment fonctionne l’abonnement ?

C’est la grande force et la grande complexité d’Actu.fr ! Pour 4,90 € par mois, vous aurez toutes les infos du Pays Malouin, si vous êtes de Saint-Malo. Mais vous aurez aussi un accès aux 500 papiers que nous publions chaque jour, dont un tiers qui sont payants. Tous ne vous intéresseront pas. Mais il n’est pas exclu que vous trouviez des infos de Marseille, vues à travers ce prisme de l’actualité vue des régions, qui vous concernent.  
Pour les abonnés papier à un titre, il faut payer un euro de plus pour accéder à la liseuse et débloquer les articles sur le digital.
Enfin, on aura toujours des accès gratuits pour les gens qui arrivent sur Actu.fr via Discover. On sait qu’ils viennent seulement lire un article et qu’ils ne s’abonneront pas. Donc, pour eux, le financement se fait par la publicité.

La nouvelle appli a été lancée discrètement au début de l'été 2025. Elle est désormais pleinement fonctionnelle.

Environ 30% des articles sont payants. Lesquels ?

C’est très variable d’une rédaction à l’autre et des spécificités locales. Mais en général, le temps 1 de l’info, le fait divers qui vient de se produire, c’est gratuit. Et l’analyse, le questionnement sur « pourquoi ce carrefour est accidentogène », c’est payant. Mais on décide en général en réunion de rédaction si un article sera gratuit ou payant, car c’est aussi ce qui nous permet de réfléchir à l’angle.
Notre cellule data a mis en place un robot développé par le groupe Ouest France que nous observons travailler au niveau du siège, et qui nous indique quels articles devraient être payants. A 82%, les choix de cette machine seraient les mêmes que ceux que font les journalistes ! On peut imaginer que demain, ce robot donne des indications,. Mais, au final, ce sera toujours le journaliste qui gardera la main.

« Le fait que l’article soit gratuit ou payant nous permet aussi de réfléchir à l’angle.» 

Laurent Gouhier, président du directoire de Groupe Actu

Est-ce que cette proportion de 30% pourrait évoluer, voire augmenter ?

Il n’y a pas de fétichisme du 30% ! On pense que c’est le bon dosage entre le modèle publicitaire et les 70% qui restent gratuits. Et que c’est le bon niveau de frustration, qui peut enclencher l’abonnement quand on se retrouve confronté au pied du paywall.

Aujourd’hui, quels sont les résultats en matière d’abonnement ?

On est un peu en avance par rapport à notre plan de marche. On a recruté environ 1000 abonnés via le paywall. Et nous sommes en phase de conquête, on va donc progresser ! La nouvelle version de notre application, lancée cet été, devrait aussi bien nous aider pour cela.
On a un taux de turnover assez classique, l’abonné numérique étant moins fidèle. Chez nous, en six mois, on en a perdu environ la moitié.
Encore une fois, cela ne va pas changer complètement notre modèle économique. cette monétisation, c’est une brique supplémentaire qui vient compléter ce que l’on avait ou faisait déjà. Et il ne faut surtout pas oublier que parmi ceux qui sont prêts à payer, c’est avant tout pour avoir de l’info locale. Donc on continue de penser que cette info de proximité doit être réalisée par des gens sur place. Cette info, elle a de la valeur.

Propos recueillis par Laurent Brunel

Actu.fr en quelques chiffres

• 1997 
Création de Publihebdos (qui deviendra groupe Actu en 2024) par Sipa-Ouest France.
• 2017
Année de lancement d’Actu.fr
• 95
médias papier et web (79 hebdos, 1 quotidien, 15 gratuit).
• 43
pure players à travers la France.
• 850
salariés dont 400 journalistes.
• 128 422 366 
visiteurs pour le seul mois de juillet 2025 (record historique)

Contact

Recevez les news de l'info locale

directement par mail