Médias indépendants : « on est obligés de faire la manche pour survivre »

La Disparition, Les Jours, MediaCités, Rue89 Lyon et Bordeaux. Tous bataillent pour rester au front et offrir un journalisme de qualité. Une tâche complexe alors que les soucis financiers ne cessent de croître. Pour sauver leurs médias, ils lancent de grandes campagnes d'abonnements. C'est le cas de Jacques Trentesaux, directeur de Mediacités.

Médias indépendants : « on est obligés de faire la manche pour survivre »

La Disparition, Les Jours, MediaCités, Rue89 Lyon et Bordeaux. Tous bataillent pour rester au front et offrir un journalisme de qualité. Une tâche complexe alors que les soucis financiers ne cessent de croître. Pour sauver leurs médias, ils lancent de grandes campagnes d'abonnements. C'est le cas de Jacques Trentesaux, directeur de Mediacités.
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« Aidez-nous à réunir au moins 1.300 abonné.es avant le 20 mars pour construire une information locale de qualité. » Le 6 mars, le média indépendant Rue89 Lyon, a lancé un appel au secours à son lectorat. Malgré une première campagne d’abonnement en mars 2023, le futur du pure-player reste incertain. Sans publicité, ni subvention, Rue89 Lyon peine aujourd’hui à sortir la tête de l’eau.

Pourtant, le média a de nombreux projets pour la suite. Avec l’objectif des plus de 300 abonnés atteint, des conférences de rédactions ouvertes, délocalisées et des événements thématiques seront organisés en 2024. Si Rue89 Lyon a la chance d’aller jusqu’à un surplus de 500 abonnés, c’est un nouveau journaliste qui est embauché. Une transparence qui ne montre qu’une chose : le point de non-retour dans lequel le média se trouve.

Le média alerte ses lecteurs dès que ceux-ci se rendent sur le site.

Le 1er février, la rédaction de Rue89 Bordeaux écrivait elle aussi un message adressé à ses lecteurs pour son dixième anniversaire. Loin de l’idée de fêter cette nouvelle année, le média propose un abonnement à 10 € par an et vise les 2 000 souscriptions jusqu’au 30 avril. « Si cette indépendance est intacte depuis dix ans, elle nécessite continuellement le soutien de ses lecteurs, interpelle le pure-player. Après notre opération réussie en 2019 pour atteindre les 1000 abonnements, nombre d’entre eux ont expiré et ce nombre est retombé à 570. L’objectif est de réunir 25 000 € pour recruter de nouveaux journalistes. »

Cette peur de disparaître, Jacques Trentesaux, directeur de Mediacités, la connaît bien. « Tous les médias indépendants sont en danger, le modèle économique est trop fragile. Étant donné que nous n’avons pas de publicité, nous sommes toujours obligés de faire la quête. Ça marche, mais ce n’est pas sain. » Son pure-player lance régulièrement des appels aux dons et aux abonnements à cause des mêmes soucis financiers que ses confrères.

La Disparition nécessite 300 abonnés supplémentaires avant le 15 avril.

C’est en effet le cas pour La Disparition. Le média épistolaire a besoin de 300 abonnés supplémentaires avant le 15 avril pour faire face à l’augmentation des prix du timbre et du papier, ainsi qu’à la dégradation de son lectorat.  Même son de cloche chez Les Jours. « L’indépendance éditoriale est la pierre angulaire des Jours. Mais elle ne dépend que des abonnements, et ils sont en baisse », peut-on lire sur la page d’accueil du site depuis le 15 janvier. Le pure-player demande 2 000 souscriptions, il n’en a obtenu que 733.

« Les médias indépendants sont au front »

Cette sensibilisation, pour le directeur de Mediacités, il s’agit d’un vrai combat au quotidien. « Pour nous, l’idéal serait d’avoir 8 000 abonnés. Pour l’instant, on est à 5 773, on est donc en mode survie, alerte Jacques Trentesaux. Il faut être astucieux et trouver d’autres revenus. »

Alors que le but initial du pure-player était de se déployer dans toutes les grandes villes de France, cela n’a pas été réussi pour le moment. Mediacités est présent dans seulement quatre villes : Lille, Lyon, Nantes et Toulouse. « Financièrement, c’est trop compliqué et on n’a pas assez de recettes. C’est dommage pour le pluralisme. »

« Les gens fonctionnent aux émotions. Quand on leur dit « aidez-nous, sinon on va mourir », ça fonctionne.» 

Jacques Trentesaux, directeur de Mediacités

Une des solutions pour s’en sortir, l’abonnement. « On est obligé de faire la manche pour survivre. Les gens fonctionnent aux émotions. Quand on leur dit « aidez-nous, sinon on va mourir », ça fonctionne. Il faut juste voir jusqu’où on peut utiliser cette méthode qui risque un jour de s’essouffler.»

Au-delà de faire appel à la société, Jacques Trentesaux veut également que l’Etat leur vienne en aide, mais aussi que d’autres modes de soutien soient imaginés. « Les médias indépendants sont au front, ils sont avant-gardistes et il faut les soutenir. Il faudrait imaginer des consortiums, faire une campagne de marketing commune. Aujourd’hui, nous devons mettre en commun nos forces pour espérer un futur pour l’indépendance. »

Sibylle Beaunée

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