Loi de 1881 (2/2) : Un trésor à préserver et à partager

Vrai pilier de la démocratie, la loi de 1881 voit son action parfois discutée par les politiques et lobbyistes.

Loi de 1881 (2/2) : Un trésor à préserver et à partager

Vrai pilier de la démocratie, la loi de 1881 voit son action parfois discutée par les politiques et lobbyistes.

L’imprimerie et la librairie sont libres.” Son article demeure inchangé depuis son adoption. Considérée comme le texte juridique fondateur de la liberté de la presse, et plus généralement de la liberté d’expression en France, la loi du 29 juillet 1881 est inspirée de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Protection des sources, indépendance des titres de presse et des journalistes ou encore défense du pluralisme.
Au fil du temps, elle a vu son cadre légal évoluer, sans pour autant voir changer ses fondamentaux. « Si on veut toucher la loi de 1881, il faut le faire d’une main tremblante, interpelle Pierre Archet, président du SPHR. Il s’agit d’un réel enjeu collectif de la profession qui peut tout déstabiliser. » Pour Jean-Pierre de Kerraoul, président de Sogemedia, il s’agit là d’un pilier de la démocratie. « Il ne faut pas oublier que c’est du droit pénal, et c’est la meilleure garantie qu’on peut avoir. On est coupable ou pas coupable. La liberté de la presse est beaucoup mieux protégée par le droit pénal que le civil, qui régit des conflits privés. »

Pour JPK, l’aspect pénal de la loi est capital. © Sibylle Beaunée.

À l’international, la presse fait face à de nombreux changements critiques. En Hongrie, la loi sur la souveraineté qualifie d’agents étrangers les médias indépendants. La France, elle, possède encore des médias libres et indépendants. La loi de 1881 n’a jamais été aussi importante à défendre.

Un euro-règlement qui pose question

Un an et demi de négociations. Le European media freedom act (EMFA) a causé plusieurs débats avant de voir le jour. Présenté le 16 septembre 2022 par la Commission européenne, le document cherche à préserver l’indépendance et le pluralisme des médias. Une première version du texte avait particulièrement fait tiquer les groupes de presse, notamment Jean-Pierre de Kerraoul, président de Sogemedia et de l’European Newspaper Publishers Association : « Lorsque le règlement nous a été présenté, il était noté que le directeur du journal n’avait pas autorité sur la rédaction. Il n’endossait donc plus la responsabilité de son titre dans le choix et la réalisation des articles. Cela causait immédiatement une modification de la loi de 1881. » Un danger pour la liberté de la presse.
« En France, un directeur de publication, qui est le mandataire social de l’entreprise éditrice, est responsable. S’il y a une infraction à la loi, c’est le directeur de publication qui est poursuivi et non pas le journaliste. Celui-ci est plus fragile et plus facile à menacer. »



Un texte ambigu

Anna Romy, juriste à l’Alliance de la presse d’information générale, souligne que le risque de toucher à la loi de 1881 pour répondre aux règles de l’EMFA n’est pas impossible.
« C’est un règlement, ce qui veut dire que le texte est appliqué directement. On ne peut donc pas avoir un autre texte. Ça veut potentiellement dire que nous allons devoir adapter notre loi de 1881 pour se conformer au règlement européen, craint Anna Romy. C’est problématique parce que dans tous les rendez-vous auxquels nous avons participé, les personnes rencontrées nous ont assuré que la loi ne serait pas touchée. C’est quelque chose que nous allons devoir surveiller de très près. Et surtout, est-ce que cela va déséquilibrer tout ce que nous avons déjà réalisé ? »
Une vigilance à adopter, mais sans tomber dans la crainte absolue, comme l’explique Jean-Pierre de Kerraoul. « Certes, le règlement reste ambigu avec un certain risque juridique, selon l’interprétation que l’on fait du texte. Mais dans la version officielle, il est bien annoncé que le directeur a autorité sur des équipes où il peut désigner des responsables de rédaction. On ne lui enlève plus la possibilité d’intervenir sur les contenus. » Un combat gagné pour protéger la liberté de la presse en permanence sur une corde raide et de plus en plus exposée aux dérives.

Sibylle Beaunée

Diapositive précédente
Diapositive suivante

Contact

Recevez les news de l'info locale

directement par mail