Sébastien Georges :
« L’IA est seulement un outil pour les rédactions »
En janvier 2024, le groupe EBRA se jette à l’eau : il est l’un des premiers éditeurs de presse à expérimenter l’intelligence artificielle au sein de la rédaction de Lunéville, à côté de Nancy. Sébastien Georges, responsable des rédactions du groupe EBRA, dresse le bilan de la première entrée de cette technologie dans les colonnes du journal.
Quels étaient les objectifs de ce test ?
On a choisi de faire un test sur une édition de L’Est Républicain à Lunéville. Ça s’est déroulé sur trois mois. On a traité 700 contenus. L’objectif était d’éditorialiser des papiers de correspondants locaux. Il y a eu des choses positives et d’autres qu’on doit revoir et améliorer. Nous pensons que dans l’avenir ce sera une méthode très prometteuse. Cette expérimentation avait pour objectif de travailler avec les “équipes terrain”. Elles ont appris à se servir de l’intelligence artificielle, mais surtout elles ont vu que ce n’était pas quelque chose d’incontrôlable.
Quel rôle les journalistes ont-ils joué lors de ce test ?
Nos équipes recevaient les papiers de correspondants des différents secteurs. Ils devaient les relire une première fois puis les passer dans Chat GPT 4 pour que l’intelligence artificielle les corrige, réduise leur taille et propose une nouvelle titraille. Après ces étapes, le journaliste relisait l’ensemble du papier parce qu’il est primordial que l’humain garde réellement la maîtrise sur le contenu. Il est le garant de la publication. L’IA est seulement un outil de plus pour les rédactions.
Vous êtes parmi les premières rédactions à avoir intégré l’IA. Pourquoi ce choix ?
On a estimé que c’était important parce que nous voulons être des médias modernes et innovants qui s’inscrivent dans l’utilisation de nouveaux outils pour accompagner les rédactions. Ces nouvelles méthodes font déjà partie du quotidien et entrent dans des nouvelles stratégies. L’objectif était de montrer aux rédactions et aux journalistes la place qu’occupe l’intelligence artificielle dans le monde des médias. Nous voulons l’utiliser de manière éthique et déontologique pour que les journalistes puissent garder la maîtrise.
Quelle a été la réaction des journalistes face à l’arrivée de l’IA ?
Il y a eu un effet de surprise. Pour réaliser cette expérimentation, nous avions besoin de cinq volontaires et il y en a eu neuf qui se sont manifestés. Les journalistes étaient curieux et avaient envie de découvrir ce nouvel instrument. Certains l’ont trouvé intéressant et utile car ça permettait de gagner du temps dans la relecture, pour atteindre le nombre de signes requis et pour trouver des bons titres. D’autres, au contraire, n’ont pas accroché à cette idée.
Est-ce que dans dix ans, les rédactions pourraient être 100 % IA ?
Pour moi, l’intelligence artificielle reste un moyen d’accompagnement. Je ne crois donc pas à une rédaction 100 % IA. En revanche, qu’elle devienne un outil dans les locales, c’est inévitable. Elle existe déjà sous plusieurs formes comme l’édition par exemple qui intègre de l’intelligence artificielle.