Journalisme & création de contenus (1/5) • Une relation contre nature ?

Les réseaux sociaux deviennent les terrains de jeux de journalistes à la recherche d’une nouvelle manière de raconter l’info. Des néo-reporters, suivis parfois par des centaines de milliers de personnes, qui rebattent les cartes de l’univers médiatique et créent des ponts entre médias traditionnels et numériques.

Journalisme & création de contenus (1/5) • Une relation contre nature ?

Les réseaux sociaux deviennent les terrains de jeux de journalistes à la recherche d’une nouvelle manière de raconter l’info. Des néo-reporters, suivis parfois par des centaines de milliers de personnes, qui rebattent les cartes de l’univers médiatique et créent des ponts entre médias traditionnels et numériques.

Article initialement publié dans le PHRases 2025.

Les créateurs de contenus journalistiques sur YouTube sont-ils considérés comme des journalistes ? Les réseaux sociaux ont-ils fait émerger une nouvelle manière d’informer ? Comment les journalistes implantés sur Youtube gardent-ils leur légitimité sur le terrain ? Décryptage avec les journalistes et créatrices de contenus Charlotte Vautier et Justine Reix, venues de la presse traditionnelle, qui ont troqué leur stylo pour une caméra et un kit Mojo.

Qu’est-ce qui distingue un journaliste d’un créateur de contenu ?

Charlotte Vautier : À mon avis, c’est la méthode. Pouvoir montrer que les règles journalistiques sont respectées : l’impartialité, la recherche, la documentation, les preuves… En revanche, je pense que certains créateurs de contenu qui ne sont pas journalistes – les vulgarisateurs par exemple – font parfois un travail journalistique. Parce qu’ils apportent de la documentation, parce qu’ils mettent leurs sources en avant, etc. Les créateurs de contenus journalistiques ont une plus grande liberté dans le choix de leurs sujets. Il y a une singularité qui va être propre à chacun. Là où, dans un média traditionnel, le choix des sujets est essentiellement guidé par l’actualité.

Justine Reix : La frontière est vraiment ténue. Pour moi, la différence se fait sur le mode de financement. Plusieurs fois, j’ai entendu des gens parler de Simon Puech en le présentant comme journaliste. Il est super, je travaille avec lui, mais ce n’en est pas un. Pareil avec Hugo Travers (HugoDécrypte), les gens le citent tout le temps, mais sans réussir à positionner ce qu’il fait. Le créateur mise sur les sponsors pour vivre, alors que le journaliste les accepte moins facilement et fait face à de réelles contraintes déontologiques.

Les réseaux sociaux font-ils émerger une nouvelle forme de journalisme ?

Charlotte Vautier : Je pense que les médias traditionnels vont devoir se mettre à la hauteur d’un public qui est de plus en plus informé et exigeant. Et donc, il va falloir qu’il y ait notamment plus de place pour le service public. Justement pour que le journalisme sur internet ne soit pas une solution, mais juste un complément avec des regards différents.

Justine Reix : Oui, on voit de plus en plus apparaître une figure du journaliste très incarnée. C’est quelque chose que j’ai vu évoluer moi-même, notamment à la télé. Aujourd’hui, incarner une information, c’est devenu presque une norme. Il y a une vraie raison derrière : c’est un biais cognitif. Une vidéo dans laquelle quelqu’un te parle directement, avec son visage, va naturellement retenir plus longtemps ton attention qu’une simple voix off.

« Aujourd’hui, incarner une information, c’est presque devenu une norme.» 

Justine Reix, journaliste

Quelle légitimité a-t-on en tant que journaliste indépendant quand il s’agit de couvrir des événements ?

Charlotte Vautier : C’est complexe dans le sens où sur les réseaux sociaux, il y a énormément de fake news. Finalement, personne n’est empêché de dire « je suis journaliste ». Ça a été essentiel pour moi de garder un pied dans la presse traditionnelle parce que je pense que c’est important de me légitimer en tant que journaliste en continuant à être liée à des médias, des journaux, des émissions.

Justine Reix : C’est une vraie question quand on se lance sur YouTube en tant que journaliste. Moi-même, je me la suis posée au moment de créer ma chaîne. Finalement, ça s’est plutôt bien passé, j’ai pu mobiliser des contacts que j’avais déjà. Pour les enquêtes suivantes, je n’ai pas eu de refus clair, en tout cas jamais parce que que j’étais sur YouTube. J’ai toujours eu le sentiment que mon statut de journaliste me précédait un peu. J’ai toujours ma carte de presse, j’ai publié un livre donc quand les gens cherchent mon nom, ils trouvent ces éléments-là. Ça les rassure.

Propos recueillis par Lucie Sellier et Jade Zaoui

A lire également :

Contact

Recevez les news de l'info locale

directement par mail