Dans la course truquée entre les médias et les géants de l’IA (avec ces derniers qui partent forcément avec un temps d’avance), qui va gagner ? Les éditeurs de presse n’ont peut-être finalement leur dernier mot. Et ils sont en tout cas bien décidés à tenter de ne pas se laisser faire…
Lundi 1er septembre, 800 titres de presse, regroupés au sein de deux syndicats de presse (l’Alliance de la presse d’information générale, et le Syndicat des éditeurs de presse magazine) sont passés à l’action pour tenter de ne plus voir leurs contenus recopiés, plagiés et diffusés gratuitement grâce à l’IA (intelligence artificielle). Concrètement, les deux syndicats ont annoncé le lancement « d’une action coordonnée inédite visant à obtenir le retrait des contenus de presse des principales bases de données publiques qui alimentent les modèles d’intelligence artificielle générative« .
Trois bases de données sont particulièrement visées par cette action : Common Crawl, C4 et Oscar. Ces sociétés ont la facheuse tendance à littéralement aspirer des articles par millions -articles théoriquement associés à des droits d’auteur et droits voisins- et à les faire passer pour du contenu complètement libre de droit. Et donc réutilisable à volonté sans avoir à se soucier de la propriété intellectuelle. Ce que les syndicats qualifient de « véritable écosystème de « blanchiment » d’usages non autorisés ».
« Une info qui justifie une rémunération »
Alors, concrètement, que faire contre ces usages ? L’Alliance et le SEPM optent pour une stratégie en trois actes. Tout d’abord, « constater la présence massive des contenus de presse dans ces bases, de manière méthodique et systématique« , ce qui ne sera pas très compliqué à démontrer. Ensuite, « obtenir le retrait effectif de l’ensemble des contenus concernés par des mises en demeure coordonnées« , ce qui devrait demander beaucoup plus de temps et d’efforts. Enfin, « constituer un arsenal juridique pour de futures actions à l’encontre de ceux qui ont profité indûment de ces contenus protégés« , ce qui est le point le plus important car, demain, ces trois acteurs risquent de ne pas être les seuls à s’autoriser de telles pratiques.
Cette intervention au sein du monde en pleine expansion de l’IA survient six mois après que cinq syndicats de presse (parmi lesquels figuraient déjà le SEPM et l’Apig) interpellaient les pouvoirs publics à « imposer un dialogue » entre les développeurs d’IA et les médias, pour « mettre fin au pillage » des contenus et proposer « une information fiable« .
La nouvelle demande va dans le même sens : »l’initiative défend un principe fondamental : la production d’une information professionnelle nécessite des investissements qui doivent être justement rémunérés« , confirment les deux syndicats. Qui, par ailleurs, ne sont pas opposés à l’utilisation de l’IA, mais de manière encadrée. Il s’agit « d’établir un cadre respectueux des droits des créateurs de contenus. Cette action vise à renforcer les capacités de négociation des éditeurs et à obtenir un partage équitable de la valeur générée par ces nouvelles technologies. »
L’Alliance, avec ses plus de 300 titres (dont une majorité en PQr et PHR), représente plus de 13500 professionnels des médias. Le SEPM, de son côté, rassemble 80 adhérents, soit 500 publications papier et plus de 220 en ligne. C’est le 2e employeur de la presse en France.