Article initialement publié le jeudi 12 juin dans PHRases direct.
Faux médias, vrais dégâts. Newsday.fr est à l’origine de la republication de plusieurs milliers d’articles de presse de médias français, sans leur autorisation. En février dernier, l’Alliance, syndicat de presse, s’est allié notamment au groupe Actu – anciennement Publihebdos – pour porter plainte contre ce site.
Avant l’avènement d’internet, le vol et la contrefaçon n’avaient jamais été aussi simplifiés. « On ne sait pas du tout si c’est de l’intelligence artificielle (IA), affirme avec prudence Frédéric Gras, avocat à Paris et intervenant en droit de la presse. C’est certainement un traitement automatisé qui aspire le contenu rédactionnel, avant de le rebalancer sur le site internet. Il n’a aucune autorisation pour reproduire les articles […] Internet n’est pas un espace de non-droit. C’est la Californie au XIXe siècle avec les chercheurs d’or. Il est rempli de voyous qui font leur loi. » Quel est l’intérêt d’un faux média comme celui-ci ? L’argent généré par les encarts publicitaires. Les articles ne sont qu’une couverture.
L’union fait la force
« Il faut être combatif. C’est une question de survie pour le journalisme », défend Pierre Petillault, directeur général de l’Alliance de la presse d’information générale. En France, c’est la première fois que les fournisseurs d’accès à internet (FAI) ont l’obligation de bloquer l’URL d’un site contrefacteur d’articles de presse. Tous sont concernés : Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free. Au total, 15 groupes et éditeurs de presse se sont alliés pour porter plainte collectivement. Le groupe Actu et Centre France hebdos, détenteur de L’Éveil de la Haute-Loire, sont signataires. « La justice applique la loi, mais la loi est souvent en retard sur la pratique, regrette Benoît Canto, directeur du développement éditorial à Actu.fr. Donc juridiquement, c’est compliqué de les attraper. »
L’info circule (trop)
Le refus de négociation du droit voisin* par les réseaux sociaux est l’une des difficultés majeures. « Quand Microsoft ou LinkedIn refusent de le négocier, ou s’y dérobent, c’est de la contrefaçon », selon Pierre Petillault. Il alerte sur la massification des plateformes fantômes, référencées de la même façon que les vrais médias sur Google Discover, un canal simplifiant l’accès à l’information. « On a pu observer que certains faux sites y apparaissent. On aimerait que Google ne mette en avant que des publications authentiques. »

« C’est un état d’esprit répandu selon lequel l’information doit être gratuite. »
Pierre Petillault, directeur général de l’Alliance
D’ailleurs, d’autres canaux de contrefaçons existent. Sur Whatsapp, les PDF de la presse mis en ligne peuvent-être quotidiennement republiés par des particuliers. « C’est du pillage de travail, affirme Pierre Petillault. Tous ces revenus ne financent pas les entreprises de presse. Ça va de pair avec un état d’esprit répandu, selon lequel l’information doit être gratuite, qu’elle soit de qualité ou non. »
Vers des « moteurs de réponse » ?
Sur le web, les géants régissent la presse. Celle-ci doit donc collaborer avec eux pour assurer son avenir. En effet, les éditeurs ne peuvent pas ignorer certains scénarios possibles, où les utilisateurs feraient plus confiance à l’IA qu’à l’information journalistique. « Une prévision pessimiste, ce serait que les IA génératives déplacent les usagers des moteurs de recherche vers des moteurs de réponse », déclare Pierre Petillault. Une hypothèse qui inquiète Benoît Canto : « On va passer d’une politique de liens à une politique de réponses. Le lecteur s’en contentera peut-être. » Pour garder la main, l’Alliance et Google ont renouvelé, en mai dernier, leur accord sur le fonds de transition numérique pour la Presse hebdomadaire régionale (PHR) pendant trois ans. Il s’effectue en parallèle des accords sur les droits voisins.
Célia Carola et Eléonore Domenighetti
*Le droit voisin assure la rémunération d’un journaliste à chaque fois que son contenu est réutilisé.