C’est une histoire à rebondissements qui se joue actuellement dans le monde de la presse écrite (et dans celui de l’impression en général) et qui pourrait une nouvelle fois plomber les trésoreries déjà chancelantes des médias… L’Apig (Alliance des la presse d’information générale), alliée avec le Syndicat des éditeurs de la presse magazine (SEPM) et la Fédération nationale de la presse d’;information spécialisée (FNPS), tente en effet de faire changer le Code de l’environnement, et notamment un article de la loi AGEC (la loi anti-gaspillage) qui devrait interdire l’usage des huiles minérales dans les encres minérales d’imprimeries au 1er janvier 2025.
Pour comprendre cette histoire, il faut remonter à la création de cette loi, portée par le gouvernement Borne en 2020. Un loi plutôt audacieuse et avant-gardiste, pleine de bonnes intentions et d’actes forts pour préserver la planète. Mais aussi de petites mesures extrêmement contraignantes ou mal programmées.
C’est le cas pour l’usage d’encres d’imprimerie. Actuellement, l’immense majorité des imprimeurs utilise des encres dites minérales, qui, lors du recyclage du papier, peuvent générer de la contamination et donc des risques sanitaires. Le texte prévoit leur interdiction au 1er janvier 2025, au profit d’encres « végétales », qui, par ailleurs, sont bien moins performantes (elles tiennent bien moins longtemps avec le temps et se dissolvent par exemple s’il pleut sur le support imprimé).
Une loi qui pourrait être dénoncée par l’Europe
Mais ce passage du minéral au végétal, au delà de l’aspect environnemental, engendre des coûts énormes. Les imprimeurs doivent en effet changer la totalité de leur tuyauterie pour éliminer toute trace d’encre minérale dans les machines (pour l’instant, seul le groupe Riccobono l’a fait… en se fournissant au Japon, seul pays producteur pour le moment !). Ensuite, il faudra se procurer l’encre en Allemagne (la France n’a pas de fabricant d’encre) où les industriels devront changer leur process. Ils devront en effet nettoyer systématiquementt leurs installations pour assurer aux seuls clients hexagonaux (puisque c’est le seul pays européen qui applique une réglementation aussi stricte) une encre végétale sans aucune trace de minéral. Sortons la calculatrice : entre les changements dans l’outil de production des imprimeries plus la production sur mesure des encres par les fabricants, les coûts devraient exploser…
On comprend mieux que les éditeurs de presse soient vent debout contre ce projet et tentent de le faire disparaître ou, au mieux, de le retarder. Un premier recours devant le Conseil d’Etat a fait chou blanc en février dernier. Et donc, logiquement, les syndicats professionnels se tournent aujourd’hui vers le ministre de la transition écologique Christophe Béchu,
L’enjeu, pour les syndicats, est de tenter de gagner du temps, d’autant plus que l’Anses (l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) est en train de réaliser un rapport sur le sujet, et que l’Europe pourrait légiférer d’ici un an à un an et demi avec des normes différentes de celles décidées par la loi AGEC. Concrètement, si l’Europe accepte 30% d’encre minérale au lieu de 0% dans la version de l’AGEC, tous les investissements pour passer au 100% végétal n’auront servi à rien…
Aujourd’hui, l’Alliance et ses partenaires mobilisent tout le secteur de l’impression (la presse, bien sûr, mais aussi les emballages, par exemple) pour obtenir l’abrogation de la loi et la coconstruction d’une nouvelle législation « intelligente » qui va « dans le sens de la transition écologique, mais avec des normes raisonnables« , selon le syndicat professionnel… La réponse du ministère est attendue au plus vite…