Antoine Fauqueux (le Démocrate de l’Aisne) : « Je veux laisser une trace »

À Vervins (Aisne), Antoine Fauqueux conduit la rotative centenaire du Démocrateet perpétue l’art de l’impression au plomb. Portrait d’un mécanicien du verbe imprimé.

Antoine Fauqueux (le Démocrate de l’Aisne) : « Je veux laisser une trace »

À Vervins (Aisne), Antoine Fauqueux conduit la rotative centenaire du Démocrateet perpétue l’art de l’impression au plomb. Portrait d’un mécanicien du verbe imprimé.

Article initialement publié le 12 juin 2025 dans PHRases Direct.

En poussant la porte de l’imprimerie du Démocrate de l’Aisne, une odeur tenace vous cueille. Poussière, graisse et encre fraîche, l’atelier ressemble plus à un garage de campagne qu’à une imprimerie. Outils au mur, stickers libertaires sur les casiers. Au fond, une rotative typographique de 12 tonnes trône surplombant la fosse qui permet d’accéder à ses entrailles. À ses côtés, Antoine Fauqueux veille. Regard vif, gestes sûrs, il traque les fuites et bourrages. Un coup de pédale, la machine, surnommée « Elaoin » (premières lettres d’un clavier linotype), s’ébroue. « Comprendre les mécaniques m’a toujours fasciné », glisse ce Saint-Quentinois, passé par l’animalerie et l’enseignement. En 2022, il hérite de cette carcasse mythique. Une mission sur mesure pour ce bricoleur de mobylettes devenu chef d’orchestre d’un monstre de fonte et de pistons.

Derniers réglages sur la rotative centenaire.
Les tétières de l'hebdomadaire.

« On voyait le truc couler… »

À son arrivée, la rotative tient debout par miracle. Pas de manuel et un entretien artisanal. Pendant six mois, Antoine Fauqueux l’apprivoise, guidé par les anciens et des ouvrages oubliés. Il documente tout, pièce par pièce. Aujourd’hui, il veille à chaque engrenage. Quand une pièce casse, il fait appel à la fonderie locale pour en reproduire une en 3D. Faute de SAV, il improvise. Depuis son classement en 2022 aux monuments historiques, la machine tourne grâce à lui. Et le journal aussi. 

Noël 2023, le verdict tombe, le Démocrate arrive financièrement à bout. Mais Antoine reste. Avec Cécile Douet, typographe, ils retroussent leurs manches pour relancer le journal et son moteur de métal.

Artisan de la mémoire

Il prend les rênes de l’Association pour la préservation et la promotion de l’imprimerie typograpique (APPIT), rejoint les Amis du Démocrate et coordonne les recherches historiques auprès de la Bibliothèque nationale de France (BNF) ou de Dominique Picard, ancien de la maison. Toujours dans l’objectif de sécuriser et de transmettre. Il sait que sa succession sera difficile. Il faudra un mécano du verbe, un touche-à-tout, un amoureux du vieux papier et des engrenages. Car ici, comme il le dit si bien : « Tout le monde a plusieurs casquettes, c’est obligatoire. » 

Cette aventure chronophage n’est pas finie. Il confie avoir la chance de la partager avec sa femme et son fils, tous deux bénévoles. Le moteur familial est lui aussi bien huilé. « Je veux laisser une trace. » Antoine Fauqueux rêve maintenant d’imprimer les huit pages promises par la rotative. Aujourd’hui, seules quatre sortent chaque semaine. Demain, peut-être, elle tournera à plein régime.

Jules Bourlet

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