Aides à la presse 2024 : -25% sur un an

Les aides de l'Etat aux médias en 2024 ont fortement diminué. Et les économies demandées par 2026 ne laissent pas augurer un changement de tendance.

Aides à la presse 2024 : -25% sur un an

Les aides de l'Etat aux médias en 2024 ont fortement diminué. Et les économies demandées par 2026 ne laissent pas augurer un changement de tendance.

C’est un des sujets favoris des détracteurs de la presse, qui reprochent aux médias d’être plus que financés directement par le gouvernement : les aides à la presse. Et les chiffres pour 2024 ont été diffusés en plein cœur de l’été par le Ministère de la culture. Avec un constat plus qu’amer pour le monde des médias : le volume global des aides directes est en très forte baisse de 25,3% par rapport à 2023 (-14,4% si on exclue l’aide « papier » exceptionnelle de 2023). Au total, 175,2 millions d’aides directes ont été versées en 2024. Pour donner un ordre de grandeur, le seul chiffre d’affaires du groupe Le Monde (qui comprend le quotidien, La Vie, Courrier international, Le Monde diplomatique et Télérama) atteignait 309,5 millions d’euros pour la même année…

En tout, 527 titres ont bénéficié d’aides à la presse en 2024. Un chiffre en très forte baisse par rapport à 2023 (809 titres), mais cela s’explique par l’aide exceptionnelle cette année là pour compenser quelque peu la hausse du prix du papier, dont avaient bénéficié de nombreux supports.
« L’ensemble de ces aides« , souligne le ministère, « permet de garantir que la presse française, exemple particulier en Europe par sa richesse et sa diversité, essentielle au bon fonctionnement de la démocratie et maillon important de la vitalité économique du secteur des médias, continue de se développer au bénéfice de l’ensemble de nos concitoyens. »

Les aides au transport toujours les plus conséquentes

Avec 130 M€, les aides au transport constituent le premier poste de ces aides directes. Il s’agit des montants versés aux éditeurs qui permettent de faire baisser le prix de l’exemplaire pour le lecteur. Ces 130 M€ se répartissent entre 27 M€ pour la PQN (10 titres), 69,2 M€ pour le postage de 376 titres et 33,9 M€ pour le portage de 160 titres. « Ces dispositifs permettent ainsi de sauvegarder le système de distribution et de garantir l’accès quotidien aux journaux sur l’ensemble du territoire à un coût raisonnable. »

L’Etat soutient également à hauteur de 21,7 M€ la modernisation et l’investissement. Cela inclut « des projets qui visent à répondre aux défis de la transition numérique et écologique grâce à l’innovation technique, par exemple en matière de développement de l’intelligence artificielle« .
En outre, 3 M€ ont été accordés pour l’aide au développement de nouveaux acteurs de la presse. Parmi ces titres, de nombreux sites internet consacrés à la science, l’environnement, avec des destins parfois contrariés (sports-amateur.fr, aidé à hauteur de 32000€ en 2024, n’a plus publié depuis la mi-février 2025, par exemple).

Les aides au pluralisme, toujours capitales

Comptant pour 23,4 M€ en 2024, les aides directes liées au pluralisme sont une spécificité française et permettent de garantir une diversité dans le monde des médias. Certains titres, notamment les quatre quotidiens nationaux (L’Humanité, la Croix, l’Opinion et Libération) aidés grâce à un. montant global de 10,35 M€, reçoivent là un coup de main financier qui leur est indispensable pour leur survie.
Quarante-neuf titres à faibles ressources publicitaires (Pélérin, Courrier international, par exemple) ont également été épaulés à hauteur de 4 M€. Et on se demande si, avec l’effondrement du marché publicitaire au profit des Gafam, ce chiffre ne devrait pas être sérieusement réévalué dans le futur immédiat.

La presse locale bénéficie aussi de ce chapitre, avec 1,58 M€ versés au titre de « l’aide aux quotidiens régionaux, départementaux et locaux d’information politique et générale à faibles ressources de petites annonces« . Parmi les bénéficiaires, la Dordogne libre ou Presse océan. Deux-cents trente titres locaux ont également eu droit à l’aide au pluralisme de la presse périodique, régionale et locale (PPR). Une enveloppe totale de 1,47 M€ a été dégagée, soit… 6400 € en moyenne par titre (principalement de la PHR), ce qui est bien mais loin d’être suffisant dans le contexte actuel.
La presse locale ultramarine, qui vit elle aussi une époque compliquée, a touché 3 M€ répartis entre dix titres.

Enfin, depuis bientôt dix ans, le fonds de soutien aux médias d’information sociale et de proximité (FSMISP) donne un réel coup de main financier (en plus d’une reconnaissance) à de nombreux médias locaux. Certes, cette dotation n’était que de 1,8M€ ne 2024, mais elle a bénéficié à 147 médias, dont 42% sont des publications (journaux ou magazines) ou des services de presse en ligne reconnus par la commission paritaire des publications et des agences de presse.
Et le ministère de citer, parmi ces 147 éditeurs, « le média associatif Tikographie, qui traite des manières dont les habitants et acteurs locaux s’adaptent aux crises environnementales sur le territoire du Puy-de-Dôme à travers un magazine en ligne, des tables rondes et un recueil papier ».

Une vraie fausse explosion des aides indirectes ?

Le panorama des aides à la presse ne saurait être complet sans parler des aides indirectes de l’Etat. Et là, grande surprise : le communiqué officiel d’août 2025, sans donner beaucoup de détails, évalue ces aides à environ 300 M€, alors qu’en 2023, le chiffre était de l’ordre de… 84 M€. Comment expliquer alors ce qui semble être une explosion des subventions indirectes ? 

C’est plus un manque à gagner pour l’Etat qu’un dépense réelle qui compose principalement ces aides. La TVA super réduite (2,1% au lieu de 5,5%) qui s’applique sur la vente des médias a « coûté » 119 M€ en 2024, contre 60 M€ en 2023, mais 150 M€ en 2022 (la différence entre 2022 et 2023 s’explique entres autres par un changement des méthodes de calcul). Mais le doublement entre 2023 et 2024 ne peut que difficilement s’expliquer. La seule hypothèse serait un doublement des ventes de l’ensemble du volume de la presse en 12 mois, ce qui ne tient malheureusement pas la route, si on se réfère aux tableaux d’évolution de la diffusion des médias payants.
L’explication est autre : le communiqué note le fait que les publications et agences de presse bénéficient de tarifs postaux privilégiés, avec une estimation :  181 M€ (par rapport au service universel postal en 2024). Un montant qui n’était absolument pas quantifié, ni inclus dans les aides indirectes en 2023 (elles ne se composaient que de la TVA super réduite et des dispositifs fiscaux par exemple pour les diffuseurs de presse). Ces 181 M€ qui apparaissent quasiment par magie (et qui sont quasi redondants par rapport aux aides directes) pourraient-ils devenir un argument pour freiner encore un peu plus le transport des exemplaires papier par la Poste ? C’est malheureusement à craindre, et c’est d’autant plus redoutable pour les titres de presse locale qui dépendent exclusivement de ce transporteur historique pour expédier le journal dans les zones non couvertes par le portage… En ces temps déjà très compliqués pour les médias locaux, c’est un gros nuage de plus dont se passeraient volontiers les éditeurs.

Laurent Brunel

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