A Marseille, Médiavivant met en scène ses enquêtes

À Marseille, un média indépendant propose des “articles vivants”. Pour donner le goût de l’actualité, les journalistes de Médiavivant racontent leurs enquêtes sur scène.

A Marseille, Médiavivant met en scène ses enquêtes

À Marseille, un média indépendant propose des “articles vivants”. Pour donner le goût de l’actualité, les journalistes de Médiavivant racontent leurs enquêtes sur scène.

Première publication le 16 janvier 2023.

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Intéresser ceux qui ont délaissé la presse et l’actualité. Un sacré défi que Jean-Baptiste Mouttet a décidé de relever. Sa solution : Médiavivant. Créée en juin 2021, l’association marseillaise organise des spectacles, des représentations qui se déroulent sur scène. Étrange pour un média ?  Pas pour Médiavivant ! Le concept réside dans cette singularité : les journalistes montent sur les planches. Non pas pour se mettre en avant, mais pour “mettre en scène” l’information. Depuis novembre, une fois par mois, un journaliste du média vient raconter une de ses enquêtes et il n’est pas seul : les sources montent également sur scène. “En juillet 2021, on a organisé une représentation test pour voir si le concept fonctionnait et on s’est rendu compte que faire monter les témoins sur scène, ça plaisait au public. Les sources font passer une émotion, le public est en lien avec elles et ça les matérialise », raconte Jean-Baptiste Mouttet, journaliste indépendant et fondateur du projet.. Une fois les quarante-cinq minutes “d’article vivant” terminées, le journaliste et les sources se mêlent à la foule. L’occasion de répondre aux questions restées en suspens et de “démystifier le métier”

Autre particularité du média : la composition de sa rédaction. Journalistes, professeurs, juriste, comédienne, ingénieur du son … “Ce qui est intéressant c’est qu’on est pas une rédaction comme les autres. Il y a des compétences qu’il n’y a pas dans d’autres médias”, indique Jean-Baptiste Mouttet, à propos de la soixantaine de membres. Si diverses professions se côtoient au sein de l’association, les dix personnes constituant le noyau dur ont toutes un lien avec le journalisme. 

Le problème est réglé 

“Je me demandais toujours comment j’allais réussir à intéresser mes amis à la presse”, se remémore le journaliste. Avec les articles vivants, le problème est réglé. Si “aller en kiosque et acheter le journal, pour une certaine partie de la population, ce n’est pas un réflexe”, il est moins difficile de convaincre ses amis de s’informer en leur disant “qu’on va boire un coup ou passer une soirée ensemble”.

Avant d’être le fondateur de Médiavivant, Jean-Baptiste Mouttet a été un journaliste indépendant spécialiste de l’Amérique latine. Pigiste pour des titres tels que Society ou Médiapart, il a souvent été confronté à des “trolls” lorsqu’il écrivait sur le Venezuela et le totalitarisme de son président, Nicolas Maduro. Un problème qu’il ne rencontrait pas lorsqu’il donnait des conférences. “Je me suis rendue compte que cela se passait généralement mieux même vis à vis de ses trolls car une discussion s’engageait.” 

Une impression renforcée après avoir assisté à un spectacle du Live Magazine. “C’est un média un peu précurseur. Le journaliste raconte comment il a mené une enquête. J’ai toujours trouvé le concept intéressant mais je trouvais ça dommage que ce soit le journaliste qui soit mis en avant et pas l’information”, raconte-t-il. Pour les membres de Médiavivant, “l’information passe en priorité et le journaliste s’efface derrière les témoins qui montent sur scène”. L’utilisation du “je” est proscrite. 

« On fait aussi des tentatives »

S’évertuer à transformer l’information en une représentation, cela demande quelques ajustements. Trouver des enquêtes, les adapter pour qu’elles rendent bien sur scène, s’adapter aux témoins qui ne veulent pas parler en public … Contre ces difficultés, Jean-Baptiste Mouttet a des solutions. “Je trouve des articles intéressants ou des sujets dont il faut parler. Dernièrement, je pensais qu’il était important de parler de l’Ukraine et donc j’ai contacté Laurent Gélin car je savais qu’il avait été sur place.” Son enquête sur la chute de Marioupol – qui s’est déroulée le 17 novembre – a été la première représentation officielle. Médiaviant bénéficie aussi du réseau de son fondateur et a plusieurs partenaires comme Médiapart, Society ou Marsactu. “On écrit de manière assez simple, assez orale ; comme c’est nouveau, on fait aussi des tentatives”, explique le fondateur. “L’angle est toujours sur comment les sources ont vécu l’actualité ou l’événement. Une enquête sur scène avec juste des données chiffrées, ça peut vite être ennuyeux pour le public donc on se concentre sur le vécu.” Une comédienne s’implique dans le processus afin d’aider les journalistes à être à l’aise, à poser leur voix … Pour les sources qui refusent de témoigner publiquement, le journaliste “les rencontre, les cite et donne leur point de vue comme dans tout article ou enregistre le témoignage et le diffuse”.

Les sources sont invitées à témoigner pendant la représentation. Crédit : Mörgan Bourdeau

Pour assister à ces évènements, pas besoin de dépenser des mille et des cents. L’entrée est à prix libre. Le financement de ce média indépendant dépend uniquement des dons. “Tous les bénéfices sont réinvestis dans l’association”, précise Jean-Baptiste Mouttet qui espère pouvoir embaucher d’autres journalistes dans les mois à venir et augmenter le nombre de représentations.

Avec toujours comme dessein de démocratiser l’information, Jean-Baptiste Mouttet souhaite travailler sur les rediffusions des spectacles. Les rejouer dans des quartiers populaires et des communes rurales, “où l’ information a plus de mal à aller”. Le choix de l’emplacement du média, Marseille, n’est pas anodin. “On ne voit pas l’actualité de la même façon depuis Marseille que depuis Paris”, affirme le journaliste. Selon lui, quand un journal national débute par aborder un problème qu’il n’y a qu’à Paris, cela montre l’invisibilisation du reste de la France. Cette centralisation des médias dans une seule ville et l’entre-soi qui en découle chez les journalistes est une vraie problématique aux yeux du journaliste. Une barrière de plus qui coupe la profession du public et que Jean-Baptiste Mouttet brise avec Médiavivant.

Swann Dalbera

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