Postage des journaux : la France s’interroge et alourdit la facture, la Suisse agit et la diminue

Alors que les éditeurs de presse français sont vent debout devant la décision de la Poste d'augmenter ses tarifs de 7% l'an prochain, les médias helvètes célèbrent une hausse conséquente (53% !) des aides pour le postage...

Postage des journaux : la France s’interroge et alourdit la facture, la Suisse agit et la diminue

Alors que les éditeurs de presse français sont vent debout devant la décision de la Poste d'augmenter ses tarifs de 7% l'an prochain, les médias helvètes célèbrent une hausse conséquente (53% !) des aides pour le postage...

La presse et la Poste : l’histoire d’amour un peu forcée dure depuis des décennies. Avec son lot de phases « je t’aime/je te deteste » qui reviennent de manière aussi régulière que les annonces de changement de politique ou de tarifs… Mais depuis quelques temps, les rapports sont de plus en plus tendus entre les deux parties. En cause, notamment, une augmentation prévue de 7% de ses tarifs de la part de l’opérateur national.

Cette hausse, qui serait effective à partir du 1er janvier 2026, a quelque peu surpris nombre d’éditeurs de presse, qui n’ont pas pas tardé à dénoncer ce nouveau tarif. Compte-tenu de l’équilibre financier déjà largement compromis par la baisse des ventes ou des recettes publicitaires, ces 7% seraient un coup de poignard dans le dos pour nombre de publications. En particulier pour la PQR, la PHR et la presse agricole. Si la première famille de journaux peut se reposer sur un réseau de portage de ses publications efficace en zone densément peuplée, elle a toutefois besoin de la Poste et de son service universel de distribution du courrier pour les endroits moins accessibles (vallées, hameaux moins peuplés…).
Les quelques 340 hebdos, qu’ils soient d’information générale ou spécialisés dans l’agriculture, sont eux, par contre, totalement dépendants de ce mode de distribution, du fait de leur périodicité, de leur implantation dans des zones de vie parfois très peu peuplées ou encore car leur centre d’impression et de routage est situé loin des foyers des abonnés (ce qui impose un acheminement des journaux par la Poste).

Des élus opposés à cette hausse de 7%

Evidemment, si les éditeurs de presse sont estomaqués par cette hausse, les associations patronales qui les représentent sont dans le même état d’esprit. Et on se doute bien qu’ils tentent de faire revenir à la raison Marie-Ange Debon, la toute nouvelle présidente de la Poste depuis le mois d’octobre 2025, qui n’a pas hésité à annoncer dès son accession à ce poste qu’il fallait « réaborder le sujet des missions de service public« .
Mais les politiques aussi ont été mis à contribution : le député Horizons Christophe Plassard a posé le 9 décembre 2025 une question écrite au ministère de la Culture portant sur les « conséquences de la hausse des tarifs postaux pour la presse des territoires ». Il rappelle que « le protocole signé entre l’État, La Poste et les organisations représentatives de la presse, prévoit une trajectoire d’augmentation annuelle modérée, plafonnée à 2 %, afin de garantir la prévisibilité et l’accessibilité des tarifs postaux pour l’ensemble des familles de presse« . Or, la hausse de 7% « envisagée par La Poste [est] en rupture avec la trajectoire initialement actée, ce qui mettrait en péril l’équilibre économique d’un grand nombre de titres, particulièrement ceux ancrés dans les territoires ruraux. »
Et le député de noter également la « forte dégradation de la qualité de distribution, avec des retards pouvant atteindre plusieurs jours et rendant l’information livrée caduque pour les abonnés comme pour les annonceurs« . Aucune réponse sur les mesures qui comptent être prises par le Ministère n’a été apportée pour l’instant, tout comme au sénateur
Bruno Belin (LR) qui a posé une question écrite similaire le 11 décembre. « La baisse de qualité du service postal, constatée depuis plusieurs mois, voire plusieurs années dans certains secteurs », note le sénateur « entraîne des pertes d’abonnés exaspérés par les retards répétés, une augmentation des frais de traitement des réclamations pour des éditeurs déjà sous tension financière, ainsi que des pertes liées au dédommagement des annonceurs dont les campagnes deviennent obsolètes en raison d’une distribution tardive. »

Alors, que comptent faire la Poste et le ministère de la Culture ? La première est pour l’instant inflexible, alors que le second second est en pleine phase d’analyse et d’investigation. Cela passe par exemple par des entretiens avec des éditeurs, des professionnels du monde la presse locale, invités à donner leur opinion sur l’état de des médias  locaux et l’adaptation des aides actuelles aux réalités du secteur. Ou par des consultations telle celle menée en novembre et qui posait une unique question : « pensez-vous que la distribution de la presse aux abonnés pourrait être organisée autrement, et si oui comment ?« 

L’Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse) vient également de lancer une autre consultation, ouverte jusqu’à la fin janvier 2026, via son « Observatoire de la qualité de la distribution de la presse abonnée ». Editeurs comme distributeurs sont invités à se prononcer librement, avec, en ligne de mire, une adaptation du protocole d’accord relatif à la réforme du transport de la presse qui arrive à terme sans avoir réellement remplir ses missions…

La Suisse, de son côté, augmente ses aides au postage…

Et pendant que les éditeurs français se désespèrent, leurs confrères helvètes, eux, depuis le 12 décembre, affichent un sourire radieux. Le pays alpin est en effet soumis aux mêmes problèmes que l’Hexagone : la presse -notamment locale- subit une baisse de sa diffusion, et les questions sur le coût du postage (dans une contexte global de diminution de volume du courrier) sont régulièrement posées.
Si les Suisses n’utilisent pas l’expression « aide à l’exemplaire pour les titres postés », ils disent « rabais à la distribution », ce qui revient au même. De manière globale, le Conseil fédéral a approuvé une augmentation de 10 millions de francs suisses (10,72 M€) pour l’aide indirecte à la presse écrite régionale et locale. « Le soutien financier de la Confédération pour le rabais à la distribution s’élève ainsi de 30 à 40 millions de francs par an pour une durée limitée de 7 ans », note la Confédération dans un communiqué, validant ainsi une politique à long terme, ce qui fait cruellement défaut dans le paysage français.

Concrètement, le Conseil fédéral a approuvé pour 2026 le rabais de 43 centimes (en franc suisse) par exemplaire pour la distribution ordinaire de 144 titres de la presse régionale et locale. A noter : ce rabais était de… 28 centimes en 2025, soit une augmentation généreuse de 53% !

Forcément, les éditeurs suisses célèbrent cette décision. « Cette mesure, qui entre en vigueur pour sept ans dès janvier, offre enfin de la visibilité aux éditeurs. Une denrée rare dans notre secteur« , note, sur LinkedIn, Chantel de Senger, responsable exécutive de Tamédia (24 heures, Tribune de Genève…). Elle relativise toutefois en notant que « si le montant par exemplaire augmente, c’est aussi parce que le volume total distribué a diminué (96,6 millions d’exemplaires en 2025, contre 104,5 en 2024). Ce mécanisme d’ajustement montre que l’aide indirecte est un outil qui s’adapte aux évolutions du secteur – tout en préservant l’essentiel : le soutien à ceux qui font vivre l’information de proximité. »

Des mesures à long terme, un soutien fort pour une mission de service public accomplie efficacement : peut-être faudrait-il qu’ici, on s’inspire un peu de la sagesse helvète…

Laurent Brunel

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