Quand la Dépêche mise sur NotebookLM pour suivre l’affaire Jubillar

Un exemple concret de l'arrivée de l'IA das les rédactions, expliqué lors du Festival de l'info locale : la Dépêche du Midi se sert de l'interface survitaminée NotebookLM de Google pour préparer sa couverture du procès Jubilar. Explications.

Quand la Dépêche mise sur NotebookLM pour suivre l’affaire Jubillar

Un exemple concret de l'arrivée de l'IA das les rédactions, expliqué lors du Festival de l'info locale : la Dépêche du Midi se sert de l'interface survitaminée NotebookLM de Google pour préparer sa couverture du procès Jubilar. Explications.

Analyser, comparer, vérifier : voilà que l’IA s’invite dans les rédactions, non pas pour écrire des articles, mais pour mener l’enquête. Ou tout au moins pour permettre de mettre en lumière certains points d’une investigation qui étaient peut-être passés sous les radars.
A la Dépêche du Midi, NotebookLM, une IA développée par Google, a été un outil précieux pour préparer les articles préliminaires au procès de Cédric Jubillar. « On a opéré un vrai gros virage numérique depuis une dizaine d’années« , explique Christophe Rauzy, rédacteur en chef adjoint de la Dépêche du Midi lors du Festival de l’info locale, « avec une accentuation vers 2020, avec le Covid. « Mais il y a deux-trois ans, on a créé une IA Factory, qui est transverse et regroupe l’intégralité des titres, avec la volonté de ne rien s’interdire. Très vite, on a vu des priorités, comme la montée en gamme en qualité, en passant par exemple par l’IA pour l’amélioration de la copie de correspondants, qui est fondamentale pour nous.« 

« Il fallait aussi être efficace, en étant sûr d’être lus, de faire en sorte que l’on écrit pour notre public. Enfin, il fallait aussi ‘gagner du temps de journaliste‘ en se débarrassant de taches techniques et chronophages pour les laisser plus sur le terrain. Et c’est là que NotebookLM s’est imposé, car cet outil permet à chacun de faire plus et mieux. »

NotebookLM a été inventé il y a quelques années par un journaliste, Steven Johnson, au sein du Google Lab, l’incubateur interne du géant du numérique. Il écrivait beaucoup et avait des dizaines de carnet. Avec une question : comment je vais pouvoir réutiliser, consulter toutes mes notes ou retrouver une information dedans ? Et l’outil a été créé pour rechercher au sein de ses propres carnets, avec une spécificité : le respect de l’intégrité de ses sources et assurer la confidentialité de celles-ci. Les sources sont celles du journalistes et utilisées uniquement par lui et pour lui. 

Une fois les données entrées, que ce soient des PDF, des carnets en papier, des sons, des photos, sous n’importe quel format et n’importe quelle langue, NotebookLM va créer un résumé avec lequel on peut converser. On peut poser des questions, les affiner, consulter les réponses et visualiser ces dernières dans les notes enregistrées (pour certifier la sources). On peut également, toujours à partir de ces données, produire un podcast, des mindmaps (infographies), des vidéos…

De l’enquête au tribunal grâce à l’IA

Concrètement, au sein de la rédaction de la Dépêche, cette affaire pas comme les autres, « puisqu’elle est depuis cinq ans dans notre agenda« , comme le confirme Christophe Rauzy, devient un casse-tête. « On a anticipé depuis janvier 2025, avec une équipe de journalistes dédiés, quasiment une dizaine, qu’ils soient spécialisés en vidéo, en date… L’objectif était d’être numéro un au commencement du procès, notamment en terme de référencement sur les moteurs de recherche, mais aussi parce que l’on avait une attente forte de la part du public.« 

« On a cherché plusieurs outils qui pourraient nous aider, et on est tombé sur NotebookLM, à la sortie du printemps, qui  correspond à un manque que l’on avait : nous écrivons sur l’affaire Jubillar depuis cinq ans, on a réalisé plus de 700 articles sur l’affaire. C’est une masse énorme de données, d’infos, on. beaucoup de carnets de notes remplis, des documents, parfois confidentiels. On ne voulait pas utiliser une IA classique, de peur que les données se répandent dans la mémoire de celles-ci.« 
Dans ce cas, rien ne sort donc, ce qui est indispensable pour une affaire de la sorte. « Le travail a été un peu fastidieux, car il fallait tout sortir en PDF, plus les notes, les documents… On s’est retrouvé avec une masse énorme dans cet outil, et un cerveau qui pouvait en un éclair, consulter ces notes, y  retrouver un élément… Mais il pouvait aussi croiser un élément qui a cinq ans et un autre qui a une semaine, pour y trouver un trait commun, en sortir une analyse et de proposer des angles, voire des questionnements sur lesquels on pourrait continuer à travailler. C’était un superfiltre qui nous permettait de retrouver les infos, des les affiner, de retrouver des infos, de judiciariser… On a identifié grâce à NotebookLM des choses qui nous avait échappé. »

Un exemple concret ? La Dépêche a pu réaliser une série de cinq articles autour des objets qui comptaient dans cette affaire. Comme la couette qui a été analysée par les enquêteurs. « NotebookLM nous a permis de dire pourquoi cet objet a été au cœur de l’enquête, grâce aux notes et aux données de l’enquête. Et c’est un journaliste qui n’était pas expert de l’affaire qui a pu écrire l’article grâce à la somme d’éléments que nous possédions et qui ont été décortiqués par l’IA. S’il avait fallu retrouver les cinq ou six notes ou papiers que l’on avait fait sur cette couette, on aurait perdu beaucoup de temps mais aussi pu oublier certains éléments. Là, on avait tout, en quelques instants.« 

« Attention : il faut faire l’effort de vérifier ce que dit l’IA, par exemple en regardant bien ce qui est dans nos sources, ce qui a été numérisé.« 

« Dans cette affaire, il n’y a pas de corps, certes, mais il y a toute une série d’éléments, de fats concordants, d’objets, qui, grâce à l’enquête, ont du sens. Nous avons réalisé un article sur les dix questions que l’on peut se poser avant le procès, qui a été aidé par NotebookLM. Par contre, on ne lui a pas demandé de faire du copier-coller. On voulait juste qu’il mette en avant les éléments pour que le journaliste, ensuite, écrive le papier.« 

L’outil parfait ?

Alors, NotebookLM est-il parfait ? Oui et non. « On ne peut charger que quelques formats, ce qui demande du temps d’implantation« , souligne Christophe Rauzy. « Par contre, le temps de réaction, de réponse est plutôt court. En outre, j’ai vu depuis quelques jours qu’on peut lui demander de faire un résumé en vidéo à partir des éléments que l’on a téléchargé, et là, c’est bluffant. Et au delà de l’effet Whaou, il y a un vrai plus dans cela. » Et la Dépêche compte bien user l’outil dans d’autres domaines, par exemple au service des sports, pour rentrer toutes les feuilles de matchs ou les papiers que l’on a fait depuis dix ans sur un club comme le Stade Toulousain, pour écrire un papier sur « est-ce que cette saison est la meilleure et pourquoi ? »… Sur les municipales aussi, le journal imagine rentrer des comptes-rendus de conseil municipaux, une suite d’articles, pour savoir si les promesses ont été respectées… De quoi multiplier les usages de cet outil novateur.

Laurent Brunel

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