Pour la toute première fois depuis de nombreuses années, les fidèles lecteurs du Pays roannais ne trouveront pas leur hebdo dans leur boîte à lettres ou chez leur marchand de journaux, ce jeudi 18 septembre 2025. La rédaction du périodique du groupe Centre-France est en effet en grève depuis le lundi 15. Un mouvement qui fait suite à l’annonce par la direction, le jeudi 11, de profonds remaniements pour le titre.
Comme tous les hebdos en France, la situation financière de l’hebdomadaire est délicate, même à l’ombre d’un groupe aussi puissant que Centre France. Une situation aggravée par la -rapide- érosion de la diffusion : le pays Roannais (avec ses deux éditions) vendait 15 822 exemplaires en 2021, selon l’ACPM (Alliance pour les chiffres de la presse et des médias). Aujourd’hui, en moyenne entre juillet 2024 et juin 2025, il est à 12 632 copies par semaine (1). En mai 2025, il a même atteint son plus historique avec 11 849 ventes, avant une légère remontée en juin (2)
Sept emplois en moins dans la « petite » édition
Mais si on regarde de plus près, la marque Le Pays roannais rassemble deux titres : le premier, racheté par Centre France en 2011, est basé à Roanne, et flirte avec les 10000 exemplaires (-4,12% entre 2024 et 2025). Le second, créé il y a une dizaine d’années, affiche 2707 ventes (-9,68% sur la même période). Ce dernier repose sur deux villes distantes d’une soixantaine de kilomètres, Tarare (avec une population tournée vers Lyon) et Montbrison (qui regarde vers Saint-Etienne). Ce qui est loin d’être simple pour assurer une cohérence éditoriale.
Un contexte économique et une baisse de diffusion qui ont conduit Centre France a annoncer, le jeudi 11 septembre, lors d’une CSE à Roanne, la fermeture des agences de Montbrison et de Tarare. Soit l’arrêt de l’édition « Entre Loire et Rhône ». Ce qui s’accompagne par des suppressions de postes : un rédacteur en chef, un chef d’édition, trois journalistes et deux employés de presse. Ce que les syndicats SNJ-CGT et SNJ de Centre France hebdos qualifient de véritable « saignée« .
En parallèle à la suppression de cette édition, le groupe veut changer la périodicité du Pays roannais, qui deviendra prochainement bi-hebdomadaire (avec une parution le mardi et le vendredi) au lieu de sortir le jeudi. « Avec moins de personnel, faisons plus !‘, lancent les syndicats. « Les équipes découvrent désormais qu’ils passeront de 17 salariés à dix.Une belle récompense pour une équipe qui, depuis des années, se démène pour se digitaliser, sortir des éditions fournies et de qualité.«


Le groupe voulait remodeler depuis longtemps son portefeuille d’hebdomadaires. Ainsi, en juin 2024, la direction annonçait la mise en vente du Pays roannais. Mais les temps ne sont guère aux rachats de titre, et l’opération n’a pas eu lieu. « Après l’annonce en visio de la mise en vente, on n’a eu aucune nouvelle sur les avancées et la possible arrivée d’un éventuel repreneur« , souffle-t-on d’ailleurs dans la rédaction du titre.
Plus récemment, le 31 juillet dernier, la parution de la Gazette de Thiers et d’Ambert, autre titre du groupe, a été stoppée. Les infos de ce secteur sont désormais à découvrir chaque jeudi, dans quatre pages du quotidien du même groupe, La Montagne. Une décision qui a fait bondir Julien Brugerolles, le député PCF de la circonscription, qui écrivait au président du conseil d’administration du groupe Centre France que « outre les incertitudes qui pèsent sur l’avenir des journalistes de La Gazette, qui ont fourni un travail exceptionnel ces dernières années pour maintenir le titre, une telle décision pose la question de l’accès à l’information et de l’atteinte que sa suppression porterait à la vie démocratique, associative et économique de notre territoire. »
Une nouvelle réunion à Roanne ce jeudi
Le mouvement de grève décidé le vendredi 12 juillet mais initié le lundi 15 (les journalistes étaient en reportage vendredi) devait se conclure ce mercredi 17. Soit à la veille d’une nouvelle réunion avec la direction du groupe, à Roanne. Une rencontre pour « parler de l’avenir du titre« .
« La période économique est difficile« , reconnaît sobrement la direction du groupe à la rédaction de la Correspondance de la presse (3). Avant d’ajouter que « le titre souffre d’une baisse de la diffusion, du chiffre d’affaires publicitaire mais aussi des annonces légales ». Un triptique commun à l’ensemble des périodiques de PHR.
Reste à savoir si ce plan d’action sur le Pays roannais se déclinera ensuite sur les autres titres du groupe, qui eux aussi voient leur diffusion diminuer : Le Courrier du Loiret (-6,02%), L’Eclaireur du Gâtinais (-6,48%), Le Journal de Gien (-7,01%), La Voix du Sancerrois (-5,50%), Le Régional de Côsne et du Charitois (-8,54%), La Gazette de Thiers et Ambert (-7,85%), La Ruche (-4,27) et L’Eveil hebdo (-7,31%) (4). A moins que l’arrivée dans quelques semaines dans le groupe de Francis Gaunand, l’ex-président du directoire de Publihebdos (SIPA Ouest France), ne change la donne. C’est en effet sous son mandat que le groupe breton avait fait naître la marque actu.fr avec le succès que l’on connaît aujourd’hui…
Laurent Brunel
(1) Historique de diffusion ACPM/OJD. Couplage Pays roannais.
(2) DSH/ Sources ACPM/OJD. Couplage Pays roannais.
(3) Jointe ce mercredi 17 septembre, la direction du groupe Centre France n’a pas été en mesure de nous répondre.
(4) DSH 2024-2025 vs 2023-2024, SOurces ACPM/OJD.