Les secrets d’une newsletter en presse locale

Une newsletter, “ça ne marche pas en local”, “ça prend du temps” et “ça ne rapporte pas d’argent”... Faux. On vous explique pourquoi et comment se lancer.

Les secrets d’une newsletter en presse locale

Une newsletter, “ça ne marche pas en local”, “ça prend du temps” et “ça ne rapporte pas d’argent”... Faux. On vous explique pourquoi et comment se lancer.
Diapositive précédente
Diapositive suivante

Comment se réinventer quand on a fait 15 ans de presse locale ? C’est la question que s’est posée le journaliste  Nicolas de Ruyffelaere avant de lancer sa newsletter – lettre d’information, pour les puristes – Gazet [diffusée pendant deux ans sur la Flandre française et belge, NDLR]. « J’avais envie de mettre un peu d’humour, de m’amuser vraiment avec la PHR », raconte-t-il.
Pour lui, les intérêts d’une newsletter sont multiples : aller à l’essentiel et toucher un nouveau lectorat, le tout sans trop d’effort. Pour créer une newsletter, un choix s’offre à vous : compilation d’articles ou lettre éditorialisée ? Dans tous les cas, elle devra apporter quelque chose de spécifique ou de concret au lecteur, qui le poussera à s’abonner et – plus important encore – à ne pas se désabonner.

Il y a newsletter et newsletter

La plateforme actu.fr propose des newsletters automatisées quotidiennes pour chacune de ses marques. En plus de cela, des newsletters hebdomadaires thématiques ont été lancées en décembre 2021. Au nombre de dix, elles traitent de sujets aussi variés que la politique, la planète, le littoral, la consommation ou la ville. « Recevoir une suite de liens ou du contenu éditorialisé, ce n’est pas la même expérience pour le lecteur, analyse Florent Servia, journaliste en charge des newsletters thématiques chez actu.fr. En proposant du texte, on le fidélise vraiment. Ce n’est pas du marketing, c’est simplement quelques minutes de lecture. » Le groupe mise sur son implantation locale à la portée nationale pour chercher l’intérêt des lecteurs partout en France. « Notre valeur ajoutée, c’est d’avoir des journalistes sur tout le territoire. On est très bien placés pour parler de tout. Quand d’autres médias sont implantés juste localement, nous on est partout. » C’est la force de plusieurs groupes de PHR.

Parlons peu, parlons chiffres…

Combien de temps prend la réalisation d’une newsletter ?
Julien Kostrèche, fondateur de Ouest Médialab : Cela dépend. On peut aller très vite avec des CMS (Content Manager System) puissants qui ont des maquettes de newsletter. C’est un paramétrage à faire au début. Si on l’éditorialise et on l’enrichit, comme on le fait pour celle du Festival de l’info locale, on peut mettre une journée à la faire.

Comment savoir si ça cartonne ?
Nicolas de Ruyffelaere, fondateur de Gazet : De nombreux outils permettent une bonne traçabilité : savoir qui a ouvert le mail, combien de fois, à quelle heure et qui a cliqué sur les liens internes. Un bon taux d’ouverture c’est autour de 30 % dans le marketing et, pour une newsletter éditoriale à partir de 40 %, c’est intéressant.

Combien ça rapporte ?
Julien Kostrèche : Cela dépend de l’utilisation qu’on en fait. Soit on l’utilise comme canal supplémentaire, soit comme canal d’acquisition, ce qui est souvent le cas de la PQR. En règle générale, l’internaute se heurte à un paywall. Avec une newsletter, on relance le lecteur déjà intéressé et on l’incite à s’abonner.

Quel taux de transformation espérer ?
Joshi Herrmann, fondateur de The Mill : Pour nous, les trois premiers mois sont cruciaux. Si les lecteurs aiment vraiment les premiers articles qu’ils reçoivent, nous obtiendrons qu’une personne sur 20 s’abonne, soit 5 %.

Sur un autre ton !

On ne publie pas une newsletter comme on publie un article. Il faut s’adapter à sa cible, tant sur la périodicité que sur l’heure d’envoi. Vous êtes sans doute abonnés à des newsletters que vous ne lisez pas. Demandez-vous pourquoi : sont-elles trop fréquentes ? Pas assez engageantes ? Nicolas de Ruyffelaere rappelle que le titre doit être incitatif, pour s’assurer que le mail soit ouvert, et jouer sur le référencement des boîtes mails pour ne pas finir dans les spams. Le ton doit être choisi avec attention : classique, formel ou relax, à vous de voir.
En pénétrant dans notre intimité, la newsletter se rapproche d’un courriel que l’on pourrait recevoir d’un proche. « Il faut quand même garder le réflexe de donner l’info tout de suite, nuance Florent Servia. Je n’ai pas l’impression de changer spécialement de ton d’une newsletter à une autre, sauf peut-être pour les portraits, où c’est une vraie narration avec un ton un peu plus léger. Dans ces cas-là, j’ai souvent de bons retours. « 

Mettez les formes !

Pour que votre newsletter soit lue, il faut qu’elle donne envie. Et cela passe aussi par l’esthétisme. Simple texte ou images, couleurs ou illustrations… Au placard, la rigidité. Soyez créatifs. Une charte graphique spécifique ? Pourquoi pas. La photo du journaliste ? Bonne idée. Attention cependant à rester cohérent avec votre sujet et cible principale. Il existe de nombreuses plateformes comme Brevo ou Mailchimp pour créer des newsletters et les distribuer facilement. Gratuite jusqu’à 300 mails par jour, la première vous permet également de consulter en un clic vos statistiques (voir encadré). Grâce à celles-ci, vous évaluerez l’utilité et la pertinence de votre newsletter au sein de votre territoire.

Coup de pub

Gratuit ou payant, abonnement ou publicité, encore un choix cornélien. Une preuve que la newsletter se décline à l’infini selon vos envies. « Chez actu.fr, nous n’avons pas encore de newsletter payante ni de publicité. Mais à terme peut-être, dévoile le journaliste. Pour notre newsletter “Face à la mer” [traitant de l’actualité du littoral français, NDLR], la thématique permet d’aller chercher des annonceurs très particuliers et de leur proposer une audience précise. L’idée ne serait pas d’en mettre beaucoup, mais un partenariat bien ciblé, ça fait partie des réflexions. »
Certains modèles de newsletter locales fonctionnent par abonnement, comme The Mill à Manchester City, Royaume-Uni (voir encadré ci-contre). D’autres sont gratuites et génèrent un trafic important comme l’Essentiel, lancée à Marseille et implantée depuis à Bordeaux et Lyon. Alors même si Julien Kostrèche, fondateur et directeur de Ouest Médialab – laboratoire des médias de proximité – avance qu’il n’y a « pas de recette miracle », vous avez désormais les ingrédients pour vous lancer.Où est-ce qu’on s’abonne ?

Marion Sillion & Manon Wendling

Une relation solide avec les lecteurs :
yes, please !

Seriez-vous prêts à payer 80 € par an pour une newsletter ?
« Au lieu d’essayer de tout couvrir, nous couvrons un très petit nombre de sujets, en profondeur. Il s’agit toujours de sujets que l’on a peu de chances de trouver sur un autre site d’information locale. C’est le genre de choses qui crée des liens sociaux dans une ville et qui rend le journalisme durable parce que les gens se sentent liés à l’entreprise de médias qui les diffuse », expliquait Joshi Herrmann lors du salon Digital Media Europe à Vienne fin avril. Ce journaliste britannique a fondé la lettre d’information The Mill à Manchester City en 2020, désormais étendue à Liverpool et Sheffield, et totalise 40 000 abonnés, dont 4 350 d’entre eux payent 70 livres par an (soit environ 80 euros).
Construire une relation de confiance solide avec les lecteurs, c’est aussi ce qu’a décidé de faire 6AM City de l’autre côté de l’Atlantique. En plus de proposer une information locale, la newsletter gratuite, présente dans 25 villes des États-Unis, affiche la volonté de “créer une communauté”. Concrètement, 6AM recommande chaque jour des “bons plans” à ses lecteurs pour renforcer ce lien. Ces deux exemples – parmi de nombreux autres – montrent que le succès d’une newsletter n’est pas tant lié au volume de contenu produit qu’à la différenciation du contenu existant et à la relation qui se construit entre journalistes et lecteurs.

Diapositive précédente
Diapositive suivante

Contact

Recevez les news de l'info locale

directement par mail