« Il était temps de repenser le magazine TV… » En annonçant la couleur, à l’automne dernier, Antoine Daccord, directeur général de Diverto promettait une petite révolution dans le monde en pleine mutation des magazines TV. Mais en affichant sur sa toute première Une la bouille de l’ultrapopulaire héroïne de HPI Audrey Fleurot, la rédaction de Diverto a tranché pour le réalisme économique : la TV est encore, et de loin, la raison d’être de ce magazine…
Diverto, dès son premier numéro daté du 8 janvier, pourra se targuer d’une audience pharaonique : 3,2 millions d’exemplaires mis en distribution, au minimum. Et pour cause : cet hebdo est le tout nouveau guide TV distribué par la PQR (presse quotidienne régionale) après avoir décidé, début 2022, de rompre les liens avec le Figaro et son supplément TV Magazine (lancé en 1987), historiquement distribué par les titres de la presse régionale.
En acquérant son indépendance via-à-vis du groupe Le Figaro, le PQR (quasiment dans son ensemble, puisque 53 titres diffusent le magazine [1]) dispose d’une évidente liberté éditoriale. « Diverto est né de la volonté de la presse quotidienne régionale de redevenir autonome sur son supplément « entertainment » et télé du week-end », expliquait Antoine Daccord au mois de décembre [2]. Avec un constat simple : aujourd’hui, le rapport des téléspectateur avec leur écran est bien différent de celui qu’il avait il y a encore une dizaine d’années. Netflix, Amazon Prime… mais aussi France.TV ou M6 play sont passés par là, et la consommation linéaire de télévision ne cesse de chuter (hors année Covid).
« On se rend compte, soulignait Antoine Daccord toujours sur Pure Médias, que 20% des Français ne regardent plus du tout la télé en direct, qu’un sur quatre regarde plusieurs écrans en même temps. Là-dessus, on a senti le besoin d’accueillir davantage les contenus des plateformes à côté des contenus des chaines traditionnelles. » D’où la nécessité de rajouter, aux côtés des incombustibles grilles TV, des pages dédiées aux plateformes.
Mais le virage rédactionnel désiré veut être aussi dans la recommandation. En clair, appliquer à la presse écrite exactement ce que Netflix fait avec ses abonnés via les algorithmes. La PQR connaît bien son lectorat « classique », à elle donc de lui proposer des contenus qui lui conviennent. Ou de tenter de le surprendre…
Le site internet, ou l’offre XXL
Evidemment, derrière la marque Diverto et son titre papier, il y a aussi un site internet et une déclinaison multimédia. « Il y aura sur le site deux fois plus de contenus que sur le magazine », notait en septembre 2022 Antoine Daccord [3]. Soit la place pour offrir de l’actualité en temps réel, des interviews, des vidéos, des newsletters… sans oublier les posts sur les réseaux sociaux.
L’objectif : atteindre les 2 millions de visiteurs uniques au terme de la première année d’exercice. Une dizaine de journalistes animent à la fois le print et le web.
Une diversification économique
Evidemment, la création de Diverto a également été animée par une indépendance financière. Avec TV Magazine, la PQR ne percevait que quelques dividendes en relation avec la pub locale et la différence entre le prix d’achat et de revente du support. Mais c’était Le Figaro qui emportait la plus grosse part du gâteau. Ici, puisque tout est porté pat la PQR, c’est cette dernière qui est aussi la grande gagnante, en gérant au plus près ses dépenses (enfin, celles qu’elle peut maîtriser) et ses recettes (quand une crise économique ou géopolitique ne vient pas bouleverser tout l’ordre établi…).
C’est 366, la régie publicitaire de la PQR, qui est en charge de la vente des encarts nationaux, tandis que les régies des groupes participants (Ebra, Rossel, Ouest France…) devront commercialiser les pubs locales, positionnées en encart. La prévision en matière de chiffre d’affaires ? 20 millions, en ce qui concerne la première année, dont 5 à 10 % sur le digital. Mais avec la volonté de faire progresser ce dernier créneau aux alentours de 25 % très rapidement.
« Je dois dire que l’accueil est plus que positif et rassurant incontestablement, assurait Stéphane Delaporte, le directeur général de 366, début décembre [4] Le marché attendait un électrochoc sur cette famille. Nous ressentons un vrai enthousiasme de la part des experts médias et des annonceurs, ainsi que de l’écosystème de l’audiovisuel. Diverto secoue le marché, notamment par son approche modernisée des écrans et du divertissement. »
Alors, Diverto, qu’est-ce que ça vaut ?
En voulant tirer un coup de pied dans la fourmillière, Diverto était donc attendu au tournant, peut être plus par les décisionnaires que par le grand public, qui reçoit ce magazine souvent plus par habitude que par vrai désir. Et le premier numéro, s’il est séduisant, n’est pas toujours complètement convaincant.
Premier point fort : la mise en page. La maquette de TV Magazine commençait à sérieusement prendre de l’âge et Diverto est une bouffée d’air frais, avec ses belles et grandes photos, sa belle gestion du blanc entre les colonnes, ses pages montées façon «zapping» avec un kaléidoscope d’articles courts. Une belle typographie, aux graisses multiples, facilite également la lecture. Seules quelques pages (« Au-delà de la télé » par exemple, sur fond noir, désarçonnent un peu. On se demande si c’est du rédactionnel ou de la publicité…
Du côté des grilles télé, le journal s’appelle Diverto et non par Notre Dame de Lourdes… Pas de miracle en vue : il faut faire entrer au chausse-pied 26 chaînes de la TNT, 48 canaux du câble ou du satellite et 4 plateforme, le tout sur trois doubles pages. C’est forcément indigeste et peu révolutionnaire, mais ça reste lisible. Un peu moins toutefois lorsque la publicité pour un des canaux s’invite au beau milieu de la grille, à la manière d’un fond d’écran publicitaire d’une page web…
On retrouve enfin les pages jeux (distribuées au fil de la semaine) et l’horoscope, des classiques incontournables de ce genre de presse. (Et qui permettent aussi, notamment pour les jeux, de servir de bouche-trou en cas d’absence de page de publicité.
Au final, on reste un peu sur notre faim après avoir feuilleté les -seulement- 18 pages de vrai rédactionnel (hors page d’ouverture de chaque journée). On s’attendait à voir plus de recommandations et de coups de cœur de la part du magazine. Toutefois, on n peut qu’applaudir la double page « Nos régions à la TV », articulée autour d’un papier principal et décliné ensuite par région pour des programmes diffusés sur des chaînes nationales.
Si, globalement, l’aspect général est plutôt positif, on est loin d’une révolution. Et on grince un peu plus les dents en découvrant que la pleine page 24 « Régions » consacrée à la Meilleure boulangerie de France (sur M6) est suivie en 31 par une superbe publicité entièrement dédiée… au même programme ! On se demande alors dans quelle mesure le papier doit être classé comme un publirédactionnel qui ne dit pas son nom… Idem pour l’excellente série Vortex (France 2), qui bénéficie du zoom de la rédaction en page 8, mais aussi d’un énorme achat publicitaire directement dans la grille en pages 42-43.
Certes, il ne s’agit là que d’un numéro un, et il est clair que le produit évoluera au fil des semaines, en faisant remonter les réactions des lecteurs, mais aussi en tenant compte de l’évolution incessante de l’offre audiovisuelle. Et là, dans quelques mois ou années, il est fort probable que ce ne soit plus seulement les stars de la télévision « classique » qui feront la une du magazine. Car si Divertoi -tout comme la PQR- veut garder son public, il faudra choisir des options moins mainstream, toute talentueuse que soit Audrey Fleurot..
La nouvelle (et réduite) vie de TV Magazine
C’était le poids (très) lourde de la presse mag français, sa diffusion flirtant avec les 4 millions d’exemplaires et son audience tournant aux alentours de 9 millions de Français de 15 ans et plus… TV Magazine devra désormais se contenter de quelques centaines de milliers de copies -ce qui est déjà plus que notable- depuis sa nouvelle version, diffusée désormais seulement par le Figaro et le Parisien.
Pour sa nouvelle version (vendue avec les éditions du vendredi des deux quotidiens), la direction de l’hebdo dit vouloir multiplier les enquêtes plus fouillées et les portraits, tout en mettant en avant le meilleur des productions, quels que soient les canaux de diffusion. Sans pour autant oublier les traditionnelles et incontournables grilles des principales chaînes, que ce soit sur le TNT ou le câble.
Laurent Brunel
1 : Diverto est diffusé par : L’Aisne Nouvelle, Alsace, l’Ardennais, Berry Républicain, Centre Presse Aveyron, Centre Presse Vienne, Charente Libre, Corse Matin, Courrier de l’Ouest, Courrier Picard, Dauphiné, Dépêches-Progrès, Dépêche du Midi, Dernières Nouvelles d’Alsace, Echo Républicain, Eclair Pyrénées, Est Eclair, Est Républicain, Eveil de la Haute-Loire l’Indépendant, Journal du Centre, Libération Champagne, Maine Libre, Midi Libre, Montagne, Nice Matin, Nord Eclair, Nord Littoral, Nouvelle République, NR des Pyrénées, Ouest France, Paris Normandie, Petit Bleu, Populaire du Centre, Presse de la Manche, Presse Océan, Progrès, Provence, Républicain Lorrain, République du Centre, République des Pyrénées, Sud-Ouest, Télégramme, Tribune-Progrès, Union, Var Matin, Vaucluse Matin, Voix du Nord, Vosges Matin, l’Yonne Républicaine.
2 : Pure médias, 12 décembre 2022